Aéroports de Montréal (ADM) et l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) se renvoient la balle au sujet des longs délais d'attente à la douane de l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Les gestionnaires de l'aéroport Montréal-Trudeau disent qu'on pourrait facilement doubler le nombre de guérites pour accueillir les voyageurs, tandis que l'agence chargée de veiller au contrôle des passagers assure aligner le maximum de douaniers possible aux heures de pointe et estime avoir « atteint les limites » des installations actuelles.

« On a atteint les limites [des installations actuelles] [...] On vient de réaliser qu'on arrive à la limite du format actuel. Ça demande une réflexion stratégique, comment mieux maximiser et optimiser la situation dans laquelle nous sommes ; si c'est de reconfigurer, c'est peut-être ça », dit Benoît Chiquette, directeur général régional pour le Québec de l'ASFC, en entrevue avec La Presse.

Même si le gouvernement Trudeau qualifie la situation d'« inacceptable » et veut faire la lumière sur les causes du problème, le temps d'attente à la douane de l'aéroport montréalais - qui a dépassé par moments les deux heures en période de pointe au cours des dernières semaines alors que l'objectif est de 20 minutes - est loin d'être réglé à court terme, ont reconnu hier les principaux intervenants, qui ne s'entendent pas tous sur les causes du temps d'attente.

L'Agence des services frontaliers du Canada assure avoir utilisé les 21 guérites douanières de l'aéroport Trudeau « à peu près toujours » aux heures de pointe depuis le début du mois de juillet, la période la plus achalandée à la douane.

Mais voilà, la société qui gère l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau soutient que le nombre de guérites douanières pourrait passer sans problème de 21 à 36. « Ils n'utilisent pas tout l'espace disponible », dit Christiane Beaulieu, vice-présidente aux affaires d'ADM.

ADM soutient que la salle des arrivées ne compte que 21 kiosques parce que l'Agence des services frontaliers ne peut fournir davantage de douaniers. Un engagement de l'Agence des services frontaliers à en aligner davantage lui permettrait d'en aménager d'autres, l'espace étant bien suffisant. « Pour l'instant, ça ne sert à rien d'avoir des guérites vides », dit Mme Beaulieu.

L'ASFC a été surprise par cette affirmation, d'autant plus qu'elle rappelle que la configuration des espaces douaniers a été faite conjointement avec ADM. « C'est la première fois qu'on apprend qu'ils sont prêts à en rajouter. [...] S'il y a une démarche de leur part pour ajouter des guérites, ce n'est pas une mauvaise nouvelle, on ne s'est pas fait demander si on était prêt à les accueillir. [...] Je l'apprends en même temps que vous », dit Benoît Chiquette, de l'Agence des services frontaliers, qui mentionne que tout ajout de guérites pourrait aussi signifier une reconfiguration des 42 machines douanières automatisées.

L'Agence des services frontaliers est d'avis que des douaniers supplémentaires n'auraient rien changé aux temps d'attente cet été. « Le nombre d'agents n'est pas un facteur pour gérer les périodes de pointe à ce moment-ci parce que c'est à pleine capacité », affirme M. Chiquette.

De son côté, le gouvernement Trudeau croit plutôt que les coupes du gouvernement Harper ont contribué au problème du temps d'attente à l'aéroport montréalais. « C'est un fait. Ils ont gelé des emplois », dit le secrétaire parlementaire à la Sécurité publique, le député libéral Michel Picard. Pour le gouvernement Trudeau, la solution actuelle n'est toutefois pas nécessairement d'ajouter des agents douaniers. Ottawa veut regarder l'ensemble de la situation avec ses partenaires. « Ça ne donne pas grand-chose de mettre 15 inspecteurs de plus alors qu'ils sont déjà à pleine utilisation à l'aéroport. On va les mettre où, dans la garde-robe ? », poursuit Michel Picard.

« TOTALEMENT FAUX », DIT LE SYNDICAT

Le syndicat des douaniers soutient qu'il est « totalement faux » de dire que les 21 guérites douanières à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau ont été utilisées au maximum de leur capacité durant les heures de pointe cet été, comme l'indique l'Agence des services frontaliers.

« C'est un problème chronique tout au long de l'été, dit Jean-Pierre Fortin, président national du Syndicat des douanes et de l'immigration. Un jour la semaine dernière, il y avait seulement sept guérites d'ouvertes [aux heures de pointe]. Ils ont fait des efforts à cause de la pression médiatique, les 21 guérites étaient ouvertes [mardi et mercredi derniers]. Quand les étudiants-douaniers ont quitté [à la fin août], c'est totalement faux de dire que les 21 guérites étaient ouvertes. »

Le syndicat estime qu'il faudrait « entre 50 et 60 douaniers » supplémentaires pour « répondre à la demande ». Selon le syndicat, il y a en théorie 220 douaniers à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau actuellement, mais 180 douaniers disponibles en réalité. Une soixantaine d'étudiants-douaniers sont partis à la fin du mois d'août.

Ces deux derniers jours, le maire de Montréal Denis Coderre a discuté avec des ministres du gouvernement Trudeau au sujet des temps d'attente à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau. Le ministre Ralph Goodale se dit « préoccupé » par la situation. Ottawa veut faire la lumière sur les causes de l'attente.

Le secrétaire parlementaire Michel Picard estime aussi que la situation est « inacceptable », mais tient à relativiser le problème. Selon lui, la situation n'est pas pire à Montréal que dans d'autres aéroports dans le monde. « Quand tu arrives dans certains hubs européens, tu n'as pas assez d'une heure ou deux entre deux vols, dit-il. [...] [Il y a des] aéroports tout aussi problématiques que chez nous, Dieu merci que c'est sporadique et occasionnel [à Montréal], mais ce n'est pas une raison de se laisser aller. Il ne faudrait pas croire que Montréal est un cas d'exception. Ailleurs, c'est comme ça et bien souvent, c'est permanent », dit M. Picard, qui dit avoir attendu cinq minutes à la douane lors de son passage cet été. « Le seul temps où j'ai attendu, c'est pour mes bagages », dit-il.



« IL N'Y A PAS D'EXCUSE », DIT MULCAIR

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a lui aussi été coincé dans une file d'attente interminable à l'aéroport Pierre-Elliott-Trudeau cet été à son retour d'un voyage en France. « Je voyage beaucoup. Je n'ai jamais vu cela nulle part ailleurs dans le monde. C'est vraiment une situation troublante. Si j'étais arrivé dans une grande ville américaine et j'avais vu cela, je me serais dit qu'il y a quelque chose qui ne marche pas ici. C'est mauvais pour l'image de Montréal », a-t-il indiqué hier. « Imaginez le touriste qui débarque ici. Il doit se dire mais dans quelle galère je me suis embarqué. Et il n'a pas encore pris le taxi pour rentrer à Montréal à travers les cônes oranges. On a le don d'accueillir les gens. Le fédéral doit immédiatement commencer à aide. Il a l'obligation de mettre plus de personnels. Mais il n'y a pas d'excuse pour cela. »

- Joël-Denis Bellavance, La Presse

Photo Adrian Wyld, archives La Presse Canadienne

Thomas Mulcair, chef du NPD