Un entrepreneur général en construction poursuit la Ville de Montréal pour 4,4 millions, car il lui reproche d'avoir causé de nombreux retards sur le chantier de l'usine de production d'eau potable Atwater. C'est l'avocat Raphaël Lescop, solliciteur de dons pour Denis Coderre en 2013, qui représentera Ville dans ce dossier. Un choix que l'opposition officielle à l'hôtel de ville juge « inquiétant ».

« On voit que le pattern continue, a déclaré Alex Norris, conseiller municipal pour Projet Montréal. Encore une fois, un individu qui a rendu des bons services au parti du maire Coderre obtient un contrat de la Ville. »

Ce n'est pas la première fois que l'opposition dénonce l'attribution de contrats à Me Lescop, qui travaille pour le cabinet Irving Mitchell Kalichman. En février, Projet Montréal dénonçait le fait qu'en l'espace de quatre mois, l'avocat ait reçu cinq mandats juridiques totalisant 295 000 $, plus taxes. Me Lescop a aussi représenté Denis Coderre alors qu'il était député libéral dans le cadre d'un recours en diffamation qui l'opposait au hockeyeur Shane Doan entre 2005 et 2010.

Selon des documents que l'opposition a remis aux journalistes en février, Me Lescop s'est prévalu d'un certificat de solliciteur en 2013. Il a personnellement fait trois dons de 100 $ en juillet 2013 et récolté 600 $ auprès de six autres donateurs au cours de la même période.

Me Lescop n'a pas répondu à notre courriel. La Ville de Montréal indique que le choix de représentation juridique a été fait uniquement par le Service des affaires juridiques de la Ville de Montréal.

« Il s'agit d'un choix de ressources externes effectué uniquement par le Service des affaires juridiques dans le meilleur intérêt de la défense du dossier et des intérêts de la Ville. Ce choix a été fait sans aucune pression, ni influence de quiconque, et repose sur l'expertise de ce cabinet en droit commercial, de construction et municipal et de son acceptation de la grille tarifaire dont s'est dotée la Ville de Montréal en 2014, une initiative de l'administration actuelle », a indiqué Gonzalo Nunez, porte-parole de la Ville. 

Montréal a réservé la somme de 60 000 $ (taux horaire de 285 $ pour Me Lescop et taux horaire de 200 $ pour son collègue David Éthier) pour le traitement de ce dossier.

« Le Service des affaires juridiques de la Ville de Montréal désire également préciser qu'il a carte blanche pour retenir, au besoin, les services des avocats externes en fonction de leur compétence dans chaque domaine d'expertise requis et dans le respect de la grille tarifaire fixée par la Ville », a ajouté M. Nunez. 

81 CHANGEMENTS

Construite en 1911, l'usine de production d'eau potable Atwater produit 42 % de l'eau consommée chaque jour dans l'île.

En août 2010, l'entreprise Aecon a remporté un contrat de 6,4 millions pour la rénovation et la mise à niveau de l'usine.

Le 21 septembre, la Ville de Montréal a informé Aecon que les travaux ne pourraient débuter qu'en janvier, alors qu'ils devaient être lancés sous peu.

Selon la poursuite, le retard était attribuable à une inondation survenue sur le site dans le cadre des travaux d'un autre contractant.

« Or, ladite inondation avait eu lieu en novembre 2009, soit préalablement à la publication de l'appel d'offres et au choix par la Ville de fixer l'adjudication au 26 août et le début des travaux à cette même date... La Ville a donc octroyé un contrat à Aecon alors qu'elle savait pertinemment que les travaux ne pourraient jamais débuter à la date mentionnée dans les documents contractuels  », indique la requête déposée en Cour supérieure.

Ce n'est que le 15 mars que les travaux ont débuté. Aecon affirme cependant que l'entrepreneur précédent n'a pas remis les lieux en état. Par conséquent, les travaux de fondation qui devaient s'échelonner sur deux mois prendront quatre mois.

« Au cours du projet, la Ville a demandé à de très nombreuses reprises à Aecon de modifier certains aspects du contrat. La Ville a apporté 81 changements aux travaux devant être effectués par Aecon, dont seulement 20 changements ont été apportés durant les 10 premiers mois suivant le début effectif du contrat, délai initial pour effectuer l'ensemble des travaux sur le bâtiment. Dans les faits, 61 changements ont été apportés après la période initiale des travaux, ce qui implique nécessairement qu'il était impossible pour Aecon de faire l'ensemble des travaux dans la période initialement allouée », dit la poursuite.