Les propriétaires de calèche ont réussi à faire plier la Ville de Montréal. Le maire Coderre a finalement renoncé à leur interdire de circuler dans la métropole cet été à la suite d'un jugement provisoire de la Cour supérieure en faveur des cochers.

Le juge Kirkland Casgrain a accédé aujourd'hui à la demande des cochers qui contestaient le moratoire d'un an imposé par le maire. Dans sa décision, il leur allouait une injonction provisoire de 9 jours, le temps qu'un autre juge tranche l'affaire sur le fond. 



Cette étape ne sera pas nécessaire puisque le maire a décidé de ne pas se lancer dans une guerre devant les tribunaux cet été. Montréal renonce donc à son moratoire. «Clairement, le moratoire n'était pas la façon de faire. [...] Il y aura des calèches cet été», a admis le maire.

Dans son jugement, le juge Kirkland avait estimé que «la Ville n'a pas d'apparence de présomption de validité. Pourquoi la Ville a renouvelé les permis il y a trois mois?»

Le juge a reconnu à la Ville le pouvoir de limiter le nombre de permis de calèches, mais estimé qu'elle allait trop loin en les interdisant carrément. «Contingenter n'est pas interdire», a dit le juge.

Il a qualifié d'«étrange» la décision de la Ville alors qu'elle avait renouvelé il y a trois mois à peine leur permis. «Comment les cochers vont-ils vivre? Qu'adviendra-t-il des chevaux?», a poursuivi le juge.

Le maire Coderre a dit respecter ce jugement, mais estime que «le problème des calèches reste entier». Malgré l'abandon du moratoire, la Ville continuera ses travaux pour présenter une politique du cheval afin de revoir l'encadrement de cette industrie qu'il qualifie de «négligente».

Malgré ce revers, Denis Coderre estime que l'épisode n'aura pas été vain puisqu'il aura fait bien comprendre aux propriétaires de calèches que Montréal était insatisfaite de leur travail. Il refuse d'ailleurs de présenter ses excuses aux cochers pour les heures difficiles qu'ils ont vécu. «Si on veut changer l'industrie, il faut un électrochoc et c'est ce que j'ai fait», a-t-il dit.

Denis Coderre s'est défendu d'avoir agi trop impulsivement, soulignant qu'il voulait régler un problème de sécurité soulevé par certains incidents récents. «Certaines personnes vont faire les gorges chaudes et dire que je suis allé trop vite, mais je suis content d'aller trop vite quand c'est une question de sécurité. Vous êtes plus en sécurité quand vous avez quelqu'un qui prend des décisions que faire des comités d'étude», a dit le maire.

Satisfaits, les cochers ont dit qu'ils reprendraient le travail dès aujourd'hui. Ils en veulent toutefois au maire Coderre d'avoir tenté de les interdire des rues de Montréal cet été. «C'est une décision pas de coeur», a dénoncé Luc Desparois, propriétaire de calèches.

«Tout le monde a vraiment souffert de cela. On en a tous braillé de voir tes amis, tes proches, tout le monde à terre. On a des droits. Il a beau être maire de Montréal, je crois qu'il doit être raisonnable. Il nous a fait beaucoup de tort, psychologiquement. Je suis sûr que même mes chevaux l'ont ressenti», a dit Luc Desparois.

L'avocat des cochers a d'ailleurs souligné l'impact que l'annonce du moratoire a eu sur les cochers. «Ils n'ont pas pris en considération que 50 personnes se retrouvaient sans emploi», a indiqué l'avocat des cochers, Me Audi Gozlan.

L'opposition à l'hôtel de ville, qui appuyait le moratoire, a blâmé le maire pour ce revers de la Ville, estimant qu'il aurait dû s'y prendre plus tôt au lieu d'attendre à la dernière minute. «La décision de la Cour supérieure d'exiger la suspension du moratoire sur les calèches souligne à gros traits l'improvisation dont a fait preuve Denis Coderre. Si le maire Coderre avait demandé un avis juridique sur le sujet, il aurait certainement été avisé qu'il ne pouvait pas procéder de façon aussi cavalière sans que sa décision ne soit invalidée par la Cour», a réagi Sterling Downey, conseiller de Projet Montréal.