Le maire de Montréal invite des « chefs de file » du Québec à « prier pour gérer avec Dieu » lors d'un déjeuner religieux prévu le 3 juin prochain.
La Presse a obtenu une « invitation » pour la matinée, qui porte le logo de la Ville de Montréal sur sa page couverture, aussi ornée de trois croix.
Le déjeuner n'est pas une nouveauté : l'homme d'affaires Jean-Robert Ouimet - à la tête de Cordon Bleu - et son équipe l'organisent depuis une quarantaine d'années, d'abord avec le maire Jean Drapeau.
Cette année, l'archevêque de Québec Gérald Lacroix prononcera un « témoignage personnel ».
Ceux qui veulent l'écouter devront débourser 80 $ - des rabais sont prévus pour les étudiants et le clergé. Il se tiendra à l'hôtel Evo.
Denis Coderre « ou son représentant » prononcera la prière de clôture lors de l'événement, indique le programme. L'hôtel de ville a refusé de confirmer ou d'infirmer la présence du maire, mais un collaborateur de M. Ouimet a indiqué à La Presse que M. Coderre enverrait plutôt un conseiller municipal.
« C'est un déjeuner qui est traditionnel. Fin de l'histoire », s'est limitée à répéter la directrice des communications du maire, Catherine Maurice.
INAPPROPRIÉ
Mais d'autres ne l'entendent pas de la même oreille.
« C'est inapproprié. On est censés avoir une séparation entre l'État et l'Église dans notre système démocratique », a fait valoir le conseiller de l'opposition Alex Norris, de Projet Montréal, surtout dérangé par la place que prend la Ville de Montréal dans le programme.
« Tout élu a le droit d'afficher sa foi personnelle et de participer à des événements religieux. Mais ça ne devrait pas être fait au nom de la municipalité. »
- Alex Norris, de Projet Montréal
Même son de cloche du côté du Mouvement laïque québécois (MLQ), notamment à l'origine de la poursuite contre le maire Jean Tremblay pour sa prière au conseil municipal.
« On n'est pas d'accord avec ça, c'est certain », a affirmé la présidente de l'organisation, Lucie Jobin. La Ville de Montréal « fait partie des institutions civiles et démocratiques, pas des institutions religieuses, a-t-elle plaidé. On est contre cette situation, c'est sûr. »
DES CENTAINES DE PERSONNES
Mais l'équipe de Jean-Robert Ouimet rejette ces critiques.
« Je ne vois pas ça comme un problème : les gens viennent à partir de leurs convictions personnelles, et ça touche quand même à tout un pan des critères de valeurs dans nos sociétés », a fait valoir Gaston Sauvé, un collaborateur de l'homme d'affaires, en entrevue téléphonique.
« L'an passé, on a eu 450 personnes, a souligné M. Sauvé. Historiquement, ç'a été pour les gens d'affaires, des gens dans des rôles de décision. Avec les années, ça s'est élargi : des gens qui exercent des rôles de leadership dans leur milieu, dans leur communauté. »
Le programme indique aussi que le premier ministre Philippe Couillard devait prononcer la prière d'ouverture. Son cabinet a toutefois démenti. « Nous avons décliné l'invitation et n'envoyons pas de représentant », a indiqué Harold Fortin, porte-parole du premier ministre.