Tout en se disant ouvert à une « taxe spéciale » pour indemniser les chauffeurs de taxi, le directeur général d'Uber à Montréal, Jean-Nicolas Guillemette, soutient que Québec « tuerait » son modèle d'affaires en obligeant les chauffeurs d'UberX à acheter des « banques d'heure » pour fonctionner légalement.

«Ça ne peut pas fonctionner avec une banque d'heures. C'est évident que notre modèle d'affaires tomberait. Ça ne respecte pas le principe de flexibilité qui est central dans notre plateforme», a commenté hier Jean-Nicolas Guillemette, lors d'une entrevue de plus d'une heure dans nos bureaux.

La Presse a révélé la semaine dernière que le ministre des Transports, Jacques Daoust, a obtenu l'adhésion de ses collègues autour de l'idée d'imposer aux chauffeurs d'UberX l'achat d'une sorte de permis temporaire, valable pour une journée ou une semaine, qui leur donnerait le droit de transporter la clientèle contre rémunération. La formule offre l'avantage d'imposer plus ou moins les mêmes conditions aux chauffeurs de taxi et aux chauffeurs d'Uber, qui travaillent avec leur voiture personnelle.

Uber réclame plutôt pour les chauffeurs d'UberX une réglementation distincte, en vertu de laquelle ils ne seraient pas tenus d'avoir un permis spécial : « 75 % de nos partenaires-chauffeurs font moins de 20 heures par semaine. [...] Ce qui fait le succès d'Uber, c'est cette flexibilité », estime M. Guillemette.

Au gouvernement Couillard, on ne se montre pas d'humeur à chercher des accommodements pour permettre à la multinationale de continuer à fonctionner. «Uber a décidé de s'exclure du processus en continuant d'opérer, alors que le ministre [Jacques] Daoust leur avait demandé de cesser leurs opérations illégales lors des récentes audiences publiques sur l'industrie du taxi. On les avait avertis, ils n'ont pas obtempéré. Ce fut le choix d'Uber», a affirmé une source proche de ce dossier.

«Un peu nerveux» depuis la commission parlementaire

Jean-Nicolas Guillemette admet d'ailleurs qu'il est «un peu nerveux» depuis la commission parlementaire sur l'industrie du taxi, tenue en février dernier, puisque le ministre Daoust n'a eu aucun contact avec lui pour l'élaboration de son projet de loi.

Pendant ce temps, les villes de Toronto, d'Ottawa et d'Edmonton viennent tout juste de réglementer le service UberX en imposant une taxe de 5 à 20 cents par course pour compenser la baisse de frais administratifs octroyée aux chauffeurs de taxi traditionnels. M. Guillemette invite le gouvernement québécois à s'inspirer de règlements adoptés par une de ces trois villes - «ou de n'importe quelle autre des 80 juridictions qui ont réglementé Uber dans le monde» - et d'y ajouter ses propres spécificités.

«Au Québec, je pense qu'il y a un désir de compenser les chauffeurs de taxi. On est ouverts à ça, on est prêts à y contribuer, dans la mesure où ça fait en sorte que le gouvernement n'a pas à choisir entre nous et eux, et que ce n'est pas uniquement une mesure qui vise à protéger le modèle existant de l'industrie du taxi», dit-il.

- Avec Denis Lessard, La Presse

***

«Est-ce qu'on paie 28% d'impôt comme une pme? Non»

En cette période de déclaration de revenus, Uber assure qu'elle fait tout ce qui est en son pouvoir pour sensibiliser ses chauffeurs à leurs obligations fiscales. «Tous ceux qui ont fait plus de 30 000 $ de revenus, on les a appelés un à un pour leur rappeler qu'ils ont l'obligation de payer leur TPS et leur TVQ. Quand j'entends dire qu'on ne paie pas d'impôts ou de taxes, c'est faux. On a laissé croître ce mythe sans réagir, et ç'a été une erreur», affirme le directeur général d'Uber Montréal, Jean-Nicolas Guillemette. 

Quant à la structure fiscale de la multinationale, qui lui permet de transférer légalement les profits réalisés au Canada vers les Pays-Bas sans imposition, M. Guillemette assure que ce n'est qu'une infime partie de ses revenus qui sortent ainsi du pays. «Est-ce qu'on paie 28% d'impôt comme une PME québécoise? La réponse est non. Mais on ne sort pas 20% de ce qu'on fait à l'extérieur du Québec. On va envoyer le peu de profits qui reste à la fin de l'année. On a 25 employés et on vient d'investir 1 million sur notre siège social», insiste M. Guillemette.