Au moment où la Ville de Montréal s'apprête à lancer une nouvelle saison record de travaux routiers et d'infrastructures, les ingénieurs municipaux responsables de la surveillance de ces chantiers ont voté massivement pour le déclenchement d'une grève générale illimitée, au moment jugé opportun.

Au cours d'une assemblée générale tenue mardi, plus de 200 membres du Syndicat professionnel des scientifiques à pratique exclusive de Montréal (SPSPEM) ont opté à 92% pour le déclenchement de la grève, en plus d'approuver un prêt de 1 million pour bonifier le fonds de grève du syndicat. Les 440 membres du SPSPEM sont sans convention collective depuis plus de 5 ans, soit depuis le 31 décembre 2010.

La Ville de Montréal prévoit réaliser en 2016 plus de 400 chantiers d'infrastructures et de voirie dont les coûts sont estimés à 531 millions, ce qui constitue un nouveau record en matière d'investissements municipaux, ont annoncé Lionel Perez, responsable des infrastructures au comité exécutif de la Ville, et Chantal Rouleau, responsable des infrastructures d'eau.

Les cônes orange, qui envahissent désormais la métropole à partir des premiers jours du printemps jusqu'aux vacances de Noël, seront donc plus nombreux que jamais dans les rues, sur les grands boulevards et même les places publiques de Montréal, en cette année préparatoire aux célébrations du 375anniversaire de la fondation de Ville-Marie.

Environ 156 kilomètres de rues seront réhabilités ou reconstruits, et plus de 100 kilomètres de conduites d'eau et d'égouts secondaires seront remis en état au cours de la prochaine année, selon la programmation rendue publique hier par les autorités de la Ville.

Chantiers «critiques»

Une vingtaine de ces chantiers, jugés «critiques», intégreront à la fois des travaux de conduites d'eau et d'égouts, de conduites de gaz, de fibres optiques, d'installations électriques et d'autres utilités publiques, conformément aux «nouvelles façons de faire» mises en place au cours des dernières années pour éviter d'avoir à rouvrir les rues de la ville quelques années seulement après qu'elles ont fait l'objet de travaux importants.

Ce sera notamment le cas pour le chantier de la rue Saint-Denis entre les rues Duluth et Marie-Anne, de la rue Papineau entre Crémazie et Louvain, du boulevard Saint-Michel, de Crémazie à Bélair, et le chemin de la Côte-Sainte-Catherine, entre la rue Victoria et chemin de la Côte-des-Neiges.

Plusieurs grands projets se poursuivront aussi, comme la transformation d'une partie de l'autoroute Bonaventure en boulevard urbain, à l'entrée sud du centre-ville, un chantier de plus de 140 millions qui doit être terminé d'ici la fin de 2017, et le réaménagement de la rue Saint-Paul, dans le Vieux-Montréal, qui sera ensuite mis en veilleuse, l'an prochain, lors des fêtes du 375anniversaire.

La Ville poursuit aussi les travaux de modernisation de ses réseaux d'eau potable et d'eaux usées, notamment avec la réhabilitation du réservoir Rosemont, situé sous le parc Étienne-Desmarteaux, dans l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, un projet de 120 millions qui se poursuivra jusqu'en 2019, et la construction d'installations de rétention des eaux pluviales, comme le bassin Rockfield, qui nécessitera des investissements de près de 27 millions d'ici 2018.

Menace de grève

La réalisation de plusieurs centaines de ces chantiers prévus par la Ville, cette année, pourrait toutefois être perturbée par la menace d'une grève générale illimitée du syndicat qui regroupe, entre autres, les ingénieurs chargés de la surveillance des travaux, qui n'ont plus de contrat de travail depuis la fin de 2010.

Selon le président du SPSPEM, André Émond, l'assemblée qui réunissait près de la moitié de tous les membres du syndicat, mardi soir, les «exhorte de déclencher la grève».

Le SPSPEM regroupe des chimistes, arpenteurs-géomètres et médecins vétérinaires employés de la Ville de Montréal, et plusieurs centaines d'ingénieurs qui sont responsables, entre autres, de la surveillance des travaux sur les chantiers municipaux. M. Émond a assuré hier, en entrevue à La Presse, que si la grève générale devait être déclenchée, ses membres «ne seront pas sur les chantiers». «Et si la Ville décidait d'embaucher des firmes privées pour faire le travail, ce serait des "scabs", des briseurs de grève, et nous avons bien l'intention de ne pas les laisser faire.»

Questionné à ce sujet par La Presse hier, lors du lancement de la programmation des travaux de 2017, le responsable des infrastructures à la Ville, Lionel Perez, a semblé surpris par la possibilité d'une grève des ingénieurs.

«On va laisser les gens responsables des conventions collectives faire leur travail, a-t-il déclaré, mais nous, nous avons des contrats signés et entérinés par le conseil municipal et nous allons de l'avant. On devra s'ajuster au besoin.»

Une demande d'entrevue faite par La Presse auprès des responsables des ressources humaines de la Ville de Montréal n'avait obtenu aucune réponse, hier, au moment d'écrire ces lignes.