À l'heure où les projecteurs sont braqués sur le problème des jeunes fugueuses, une étude révèle que la moitié des 30 ans et moins qui dormaient dans la rue l'été dernier à Montréal ont séjourné au moins six mois dans un centre jeunesse.

L'étude, qui se veut la suite du premier dénombrement des personnes en situation d'itinérance à Montréal, conclut que les interventions actuellement offertes en centre jeunesse ne suffisent pas à pallier les facteurs de risque qui mènent les jeunes qui les fréquentent à l'itinérance une fois adultes.



Dénombrement... la suite


Le 24 mars 2015, près de 800 bénévoles ont arpenté les rues de Montréal en posant la question «Avez-vous un endroit pour dormir?» à chaque personne qu'ils croisaient. Cette expérience inédite a révélé qu'environ 3000 personnes vivaient en situation d'itinérance à Montréal, alors que durant deux décennies, le chiffre avancé était de 30 000.

Le Centre de recherche de l'hôpital Douglas a approfondi ses recherches l'été dernier en menant des entrevues sur le terrain auprès de 1066 personnes en situation d'itinérance, dont 170 ne se trouvaient pas à Montréal lors du grand dénombrement du printemps. Ce deuxième exercice a révélé que le tiers des sans-abri de 30 ans et moins avaient déjà vécu au moins six mois dans un centre jeunesse. Cette proportion grimpe cependant à 52% chez les jeunes sans-abri qui dorment à l'extérieur.

Fait intéressant, les personnes sans domicile fixe temporairement hébergées chez des amis ou des connaissances sont très peu nombreuses à avoir fréquenté un centre jeunesse.

Échec du système

Lors du dénombrement de 2015, peu de personnes ont ciblé le passage dans un centre jeunesse comme étant un facteur expliquant leur itinérance, et ce, même pour les jeunes qui en étaient à leur premier épisode d'errance, note l'étude financée par la Ville de Montréal. 

«On ne pense pas que c'est le centre jeunesse qui cause l'itinérance, mais de toute évidence, le centre jeunesse ne réussit pas à infléchir le cours de la vie d'une personne en situation fragilisée», souligne le chercheur de l'Université McGill Éric Latimer, qui a codirigé le recensement et participé à cette deuxième étude.

Plus à risque

Le dénombrement de mars 2015 a estimé que 429 des 3016 sans-abri recensés dans l'île avaient passé la nuit dans des lieux extérieurs. Proportionnellement, ce nombre est plus élevé qu'à Toronto ou à Calgary. Par ailleurs, les autochtones représentent plus de 20% d'entre eux. Dans le cas des personnes de plus de 30 ans, elles sont aussi plus nombreuses à avoir fréquenté des établissements comme les pensionnats autochtones ou des orphelinats dans leur enfance, montre l'étude. Les sans-abri qui n'ont pas tendance à fréquenter les refuges sont aussi plus à risque de contracter l'hépatite C ou de souffrir d'une dépendance à l'alcool ou à la drogue.

Dépendance aux drogues

Proportion des sans-abri qui ont une dépendance aux drogues parmi ceux qui dorment...

dans la rue : 39%

dans des refuges : 28,7%

dans des logements transitoires : 20,5%

en situation d'itinérance cachée : 34,4%

Total : 31%

Solutions

Selon Éric Latimer, il est temps pour les centres jeunesse d'effectuer une prise de conscience. «Il faut maintenant faire des études pour déterminer les caractéristiques des gens qui sont sortis des centres jeunesse et qui se sont tournés vers l'itinérance par rapport à celles des jeunes qui ont réussi à avoir une vie plus stable. Il faut un outil pour identifier les gens vulnérables et trouver des façons de les aider pour qu'ils ne se retrouvent pas à la rue», explique-t-il.

Le chercheur croit aussi que des mécanismes d'accompagnement serrés doivent être mis en place pour aider notamment les jeunes qui sortent des centres jeunesse à trouver un logement, du travail et un soutien à l'éducation.

Nouveaux sans-abri

Sur les 1066 personnes recensées dans le cadre du deuxième volet de cette étude, 16 % n'étaient pas à Montréal lors du premier exercice. Au moment du sondage, seulement le tiers prévoyait de quitter l'île avant la fin de l'année. Mais parmi celles arrivées seulement pour l'été, 43 % ont passé la nuit du 24 août dehors.

D'où viennent les sans-abri?

Banlieues de Montréal : 25,8%

Ailleurs au Québec : 43,2%

Grand Nord : 5,2%

Reste du Canada : 21,9%

Autres pays : 3,9%

Portrait chiffré

12% : Proportion des sans-abri de 30 ans et moins qui rapportent souffrir d'un TDAH

11% : Nombre de sans-abri qui se définissent homosexuels ou bisexuels (3% dans la population générale)

15% : Proportion des sans-abri qui rapportent avoir utilisé à la fois l'ambulance, les urgences ou l'hospitalisation et avoir eu des contacts avec la police ou avoir été incarcérés au cours des six derniers mois.

12% : Proportion des sans-abri sondés atteints de l'hépatite C