Le prolongement de la ligne bleue du métro de Montréal coûterait près de 3 milliards de fonds publics, deux fois plus que ce qu'avait évalué l'Agence métropolitaine de transport (AMT) en 2013. Malgré tout, l'ajout des cinq stations vers l'est jusqu'aux Galeries d'Anjou fera partie des priorités mises de l'avant par Québec dans le cadre du nouveau programme fédéral d'infrastructures.

Ce n'est pas la première fois qu'on constate un tel écart entre le projet « en étude » et le moment où il doit entrer en phase de « planification ». La réfection de l'échangeur Turcot devait coûter 1,5 milliard en théorie, mais la facture est vite grimpée à 3,7 milliards dès que les experts ont aiguisé leurs crayons.

Selon les informations obtenues par La Presse, le ministère des Transports avait reçu à la mi-janvier des informations sur le contenu de l'étude « d'opportunité » de l'AMT sur le projet. Les fonctionnaires du ministère ont revu les chiffres de l'organisme pour constater rapidement qu'il faudra en pratique doubler la première évaluation de 1,535 milliard - on est rendu à 2,9 milliards.

L'AMT est actuellement à valider de nouveau son évaluation avec ses partenaires, la STM, Infrastructure Québec et le ministère des Transports, pour déposer un document définitif au gouvernement. Québec doit très rapidement renouveler les « réserves » qu'il avait décrétées pour empêcher de nouvelles constructions sur les terrains susceptibles de recevoir les stations.

En coulisses, on explique que ce projet est en tête de la liste d'épicerie du gouvernement Couillard dans ses échanges avec Ottawa. En campagne électorale, les libéraux de Justin Trudeau avaient promis un superprogramme d'investissements dans les infrastructures, 125 milliards sur 10 ans. Au surplus, les projets de transports collectifs susceptibles de réduire les émissions polluantes seront favorisés par le fédéral.

Une priorité pour Montréal

Hier, à la clôture d'une réunion avec le gouvernement fédéral, en compagnie des maires des autres grandes villes, Denis Coderre a clairement montré du doigt le prolongement de la ligne bleue comme la décision la plus urgente du point de vue de Montréal. Le projet aiderait à revitaliser l'est de la ville, qui en a bien besoin. « Nous avons beaucoup de dossiers. Trois touchent la mobilité urbaine : le SLR, la navette entre l'aéroport et le centre-ville et le train de l'Ouest et enfin le SLR du pont Champlain. Mais la "première" priorité c'est la ligne bleue, pour l'Est, le métro », a indiqué M. Coderre, en marge du caucus des maires des grandes villes du pays, dans la Capitale nationale, hier.

Déjà à l'époque de Lucien Bouchard, Québec avait dans ses cartons ce segment de 5,8 kilomètres qui doit compter cinq stations. Le gouvernement du PQ avait priorisé Laval, un secteur où il espérait maintenir ses acquis politiques. En 2013, la STM et le gouvernement Marois s'étaient à nouveau engagés à aller de l'avant avec un nouveau segment à l'est de la station Saint-Michel, mais les travaux n'avaient jamais démarré. D'autres projets sont en lice, le prolongement de la ligne jaune vers la Rive-Sud notamment, mais ils sont loin dans la liste des priorités de Québec.

Le programme d'infrastructures de Québec est limité, de l'ordre de 9 milliards par année, dont une bonne partie doit aller à l'entretien des ouvrages existants. Il n'y a guère de place pour du « développement », ajouter des routes ou des lignes. C'est ici qu'on mise sur le programme fédéral qui prévoit, pour ce genre de projets, un cofinancement à parts égales entre Ottawa et les provinces, explique-t-on à Québec.

Dans une entrevue récente au Globe and Mail, le maire Coderre insistait sur la nécessité de prolonger la ligne bleue. « L'est de Montréal a réellement besoin d'un prolongement du métro », avait-il souligné.

- Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance