L'administration Coderre demande à Québec de retirer des pouvoirs aux arrondissements et de faire quasi table rase des articles du projet de loi 33 qui, en 2003, avait profondément décentralisé l'organisation de la métropole.

Selon les informations obtenues par La Presse, Montréal a préparé l'automne dernier le projet de loi qu'elle souhaite voir adopter par Québec pour confirmer à la Ville son statut de « métropole ». Le projet de loi de Montréal, qui contient au-delà de 300 articles et fait plus de 120 pages, suggère de « retirer aux arrondissements la majorité des pouvoirs conférés par le projet de loi 33 », précise un document visant à expliquer les mesures proposées.

À l'hôtel de ville, on souligne que l'objectif n'est pas de transformer les arrondissements en « coquilles vides ». À Québec, dans l'entourage du ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, on souligne que le gouvernement québécois n'est pas opposé « en principe » à l'idée, mais on précise qu'il compte mener sa propre réflexion et rédiger lui-même le projet de loi.

À la fin de l'automne dernier, lors d'une réunion avec M. Moreau, Denis Coderre avait, sourire en coin, soutenu que « la job est faite », une allusion au projet qu'avait déjà rédigé la Ville. Moreau aurait répliqué qu'il incombe encore au gouvernement du Québec de rédiger les lois et que celle-ci ne serait pas différente. Jusqu'ici, les légistes du Ministère « n'ont toujours pas rédigé la première ligne » du projet de Loi sur la métropole, dont le dépôt est pourtant promis pour la prochaine session parlementaire.

En 2003, le projet de loi 33 avait été une première concession par le gouvernement Charest aux « défusionnistes » opposés au regroupement orchestré par le gouvernement Bouchard deux ans auparavant. Par la suite, le ministre libéral Jean-Marc Fournier avait autorisé des référendums et donné son aval à des défusions. 

Le projet de loi de 2003 modifiait la Charte de la Ville de Montréal afin de décentraliser des pouvoirs névralgiques. Les arrondissements pouvaient désormais fixer eux-mêmes le salaire des conseillers d'arrondissement. Les conseils d'arrondissement pouvaient fixer des rémunérations additionnelles pour des « postes particuliers », ce à quoi Montréal veut mettre fin. La métropole demande aussi qu'on retire aux arrondissements tous les pouvoirs de négociation de conventions collectives.

Accueil et intégration des immigrants



Sans surprise, Montréal a prévu des dispositions l'habilitant à accueillir et intégrer de nouveaux arrivants. À Québec, on conçoit sans peine que la ville qui reçoit 85 % des immigrants du Québec souhaite disposer de pouvoirs accrus. Mais ce champ est complexe. Québec, qui est habilité à sélectionner les immigrants, agit déjà par la délégation de pouvoir d'Ottawa. Ajouter un troisième palier fait craindre un imbroglio constitutionnel. Mais Denis Coderre a déjà dit publiquement qu'il désirait des pouvoirs supplémentaires dans ce domaine, une revendication cautionnée par le comité présidé par Monique Leroux, présidente et chef de direction du Mouvement Desjardins, sur l'avenir de Montréal.

Autre demande publiquement évoquée par le maire, Montréal veut avoir la responsabilité des bâtiments scolaires, dont l'entretien est un problème lancinant dans l'île de Montréal.

Prévue l'automne dernier, une rencontre avec le ministre de l'Éducation, François Blais, à ce sujet, n'a pu avoir lieu. Là encore, la décision de Québec est loin d'être arrêtée.

Dans son projet de loi, Montréal demande aussi qu'on augmente les seuils des contrats accordés par le comité exécutif et les plafonds des subventions octroyées. C'est le comité exécutif qui nommerait les directeurs d'arrondissement.

Respect des compétences municipales

Reconnaître la Ville de Montréal comme « instance politique autonome », suppose aussi qu'on la consulte chaque fois qu'une loi touche ses compétences. On réclame même que la loi sur la métropole prime les autres lois.

Depuis 2008, la Ville de Montréal détient des pouvoirs habilitants importants pour étendre son champ de taxation, des possibilités qu'elle n'a pas vraiment exploitées. Le projet de loi qu'elle a soumis à Québec est plutôt mince du côté de la fiscalité municipale.

On prévoit d'étendre à l'ensemble de l'agglomération le pouvoir déjà accordé à la Ville d'imposer des redevances. Québec perdrait le pouvoir de bloquer l'application d'une redevance, pouvoir qu'il s'était réservé en 2008 par crainte de chevauchement entre ses mesures et celles de la Ville. Ces redevances sont monnaie courante. La Ville peut par exemple imposer cette taxe déguisée à un promoteur pour la construction d'un nouveau quartier, pour assumer par exemple le coût d'une bibliothèque publique. L'argent prélevé doit toujours être associé au projet toutefois.

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Les pouvoirs réclamés par Coderre

Le maire de Montréal veut retirer aux arrondissements la majorité des pouvoirs accordés par le projet de loi 33 (2003), sauf ceux d'imposer des taxes et de poursuivre en justice. Ainsi, il veut :

• retirer les dispositions accordant aux arrondissements des pouvoirs en matière de ressources humaines ;

• retirer aux arrondissements le pouvoir de créer des services et d'en nommer les directeurs ;

• retirer les dispositions accordant aux arrondissements les pouvoirs de négociation des conventions collectives ;

• retirer aux arrondissements les pouvoirs en matière d'acquisition d'immeubles et d'approvisionnement ;

• retirer la disposition imposant aux arrondissements d'agir en conformité avec le plan de développement du territoire ;

• retirer aux arrondissements les pouvoirs en matière d'excavation du domaine privé ;

• retirer la disposition permettant au conseil d'arrondissement de constituer un fonds de roulement ;

• retirer aux arrondissements le pouvoir d'adopter des règlements d'emprunt.