Quand la ville se transforme en jardin de givre, nombreux sont les piétons qui perdent pied et se retrouvent au sol. Avec parfois une hanche ou une cheville cassée.

L'hôtel de ville n'a jamais payé autant en indemnisations à ses citoyens victimes de l'hiver: 275 000$ depuis le début de 2015, la plus grosse partie en lien avec des incidents survenus au cours des années précédentes. C'est plus du double des sommes versées l'an dernier.

Gertrude Forstinger a contribué à faire exploser ce total: la dame de LaSalle a empoché 130 000$ (plus intérêts) en mai dernier après s'être fracturé un poignet à la suite d'une mauvaise chute survenue trois ans plus tôt.

Mais chaque Montréalais qui soigne un membre - et son orgueil - après être tombé sur un trottoir glacé n'est pas au seuil de la richesse. Pour espérer gagner sa cause contre une municipalité, il faudra prouver la présence de négligence, a expliqué en entrevue la procureure de Mme Forstinger, Me Olivera Pajani. L'avocate est une habituée des causes où un préjudice physique a été subi.

«Un des principes toujours répétés par les tribunaux, c'est que la Ville n'est pas l'assureur des piétons, a expliqué l'associée du cabinet Kugler-Kandestin. La Ville n'a pas à garantir aux piétons que son territoire sera toujours parfait, peu importe les conditions climatiques.»

«Si vous sortez quelques minutes après une grosse pluie verglaçante et que vous faites une grave chute qui vous fracture la hanche, vous n'en avez pas, de cause», a expliqué Me Pajani. «La Ville a le droit d'avoir un délai raisonnable.»

Données météo

Dans plusieurs dossiers - dont celui de Mme Forstinger -, les accidentés doivent présenter des données météorologiques afin de tenter d'établir que la Ville a manqué à ses obligations, que ses cols bleus n'ont pas adéquatement déglacé les trottoirs après des intempéries.

À l'hôtel de ville, on ajoute que Montréal n'est pas assuré pour ce type de risque. Les dédommagements auxquels il est condamné sont donc assumés à même le trésor public.

«Ajoutons que le déploiement des équipes d'entretien par les arrondissements pour assurer l'entretien hivernal des trottoirs a évidemment pour objectif de réduire le plus possible les risques de blessure», a indiqué par courriel le relationniste Gonzalo Nunez.

Le comportement de la victime lors de la chute peut aussi nuire à sa réclamation. À la fin du mois d'octobre, un trentenaire a vu son chèque de dédommagement de 54 000$ être amputé de moitié parce que la Cour supérieure a estimé qu'il avait contribué à l'accident en portant de simples chaussures à l'extérieur.

«Si la victime portait des talons hauts, était en état d'ébriété, faisait du lèche-vitre avec le regard rivé sur les magasins ou parlait au cellulaire», une partie de la responsabilité pour l'accident peut lui être attribuée, a expliqué Olivera Pajani. «Même si la jurisprudence dit qu'un piéton n'a pas l'obligation d'avoir les yeux constamment rivés sur le sol, il faut faire attention.»