Une campagne de 37 millions a été lancée ce matin avec l'objectif de permettre à 2000 itinérants de sortir des rues de Montréal d'ici cinq ans. Des groupes communautaires critiquent toutefois l'initiative, y voyant une concurrence qui les privera de ressources pour intervenir sur le terrain.

L'initiative lancée ce matin par le Mouvement pour mettre fin à l'itinérance (MMFIM) s'inspire de ce que plusieurs villes ont réalisé dans le monde en misant notamment des logements abordables. L'idée consiste à trouver un toit pour les itinérants chroniques pour ensuite mieux les encadrer. «On ne veut pas encadrer l'itinérance, on veut l'enrayer», a déclaré le maire Coderre.

Cette initiative fait suite au dénombrement effectué en mars dernier qui avait permis de  calculer que 3016 personnes se trouvaient en situation d'itinérance à ce moment à Montréal, le premier portrait complet réalisé dans la métropole depuis les années 1990.

Le plan se concentrera sur les 784 personnes qui se trouvaient en situation d'itinérance chronique que les 1357 qui retournent à la rue de façon cyclique. Le plan reste toutefois silencieux pour le moment sur les «itinérants situationnels», soit ceux qui se retrouvent à la rue à la suite de circonstances temporaires, comme la perte de leur emploi, mais qui devraient finir par rebondir par eux-mêmes.

Des 37 millions prévus, 14 millions serviront à offrir du soutien aux loyers pour loger ces quelque 2000 personnes que l'on veut sortir de la rue d'ici 2020. Une enveloppe de 22 millions servira à soutenir les personnes ciblées à travers les organismes communautaires et le réseau de santé. L'essentiel de ces fonds proviendra des gouvernements, mais une collecte de fonds pourrait permettre de récolter d'un à deux millions du privé, évalue James McGregor, qui préside le MMFIM.

Protecteur des itinérants

Au lancement de la campagne, le maire Denis Coderre a confirmé ce matin la création d'un poste de protecteur des personnes en situation d'itinérance, ce qui avait été annoncé dans le Plan d'action en itinérance. Ce type de fonctionnaire dédié à ces personnes existe déjà dans certaines villes, dont Vancouver.

Le protecteur, qui n'a pas encore été recruté, entrera en fonction au cours des prochaines semaines et il devra s'assurer que les droits des sans-abris sont respectés. Il aura aussi pour tâche de veiller à l'accessibilité des services offerts à ceux-ci.

Montréal a aussi annoncé qu'elle versera 140 000$ par an, pour les cinq prochaines années pour réaliser le plan du MMFIM. L'argent servira à poursuivre les recherches pour comprendre les causes et solutions à l'itinérance.

Critiques des groupes communautaires

L'annonce de l'initiative du MMFIM n'a pas fait l'unanimité. Le Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) souligne qu'un plan régional pour lutter contre ce phénomène existe déjà à Montréal. Le groupe estime que le plan présenté ce matin ne tient pas suffisamment compte de la prévention de l'itinérance.

«Ce n'est pas un débat de chiffres, mais d'approche. Il ne faut pas juste agir sur personnes dans la rue», dit Pierre Gaudreau, coordonnateur du RAPSIM.

L'approche de miser principalement sur le logement n'est pas la panacée, poursuit le groupe. «New York, qui a été une des premières villes à miser sur le 'housing first', connaît le pire problème d'itinérance depuis la grande dépression, avec 75 000 itinérants dans ses rues», souligne M. Gaudreau.

Le groupe communautaire L'Itinéraire a lui aussi exprimé de sérieuses réserves. On estime que l'initiative «entre en concurrence directe avec l'ensemble des acteurs montréalais déjà à l'oeuvre. Elle dédouble les actions, risquant ainsi de priver les organismes terrain de sources de financement leur permettant de garantir la pérennité de leurs services».