Après les cadres, la colère gronde chez les enquêteurs du SPVM. La Presse a appris que la direction de la police a annoncé à ses 200 enquêteurs chargés de la Moralité, des Stupéfiants et des Gangs de rue (SEMCJ) qu'elle mettait la hache dans ces très actives escouades et les jumelait aux enquêtes générales des centres opérationnels Ouest, Sud, Est et Nord.

La nouvelle entité, appelée Service partagé d'enquête, aura pour priorité, nous dit-on, de réduire la pile de dossiers de plaintes accumulés et de s'attaquer aux crimes avec plaignants. La Moralité, qui est présente dans les quatre régions, sera pour sa part centralisée et jumelée à l'escouade Éclipse. Elle perdra cependant près de la moitié de ses enquêteurs.

Par opposition aux crimes avec plaignants, les enquêteurs affectés aux stupéfiants et aux gangs de rue ont historiquement toujours privilégié les «crimes initiés», c'est-à-dire les enquêtes amorcées sur la foi d'informations de sources, qui mènent régulièrement, par exemple, à des saisies d'armes, de stupéfiants et d'argent.

La nouvelle de la dissolution de ces escouades spécialisées a fait bondir leurs 200 sergents-détectives et agents enquêteurs, qui ont spontanément investi en masse les bureaux de leur fraternité, le 24 novembre dernier. Des discussions d'urgence ont été amorcées entre le syndicat, la direction et des représentants de ces escouades, mais rien ne semble vouloir ébranler le SPVM dans ses intentions.

«Tout ça, c'est pour épargner des heures supplémentaires et réduire la pile de plaintes à traiter causée par l'implantation d'un nouveau système qui fait en sorte que les policiers font de plus en plus de rapports. La vérité, c'est qu'on n'aura plus le temps de faire des projets d'enquête. Cela va avoir un impact direct au niveau de la rue. Imagine quand les groupes criminels vont apprendre qu'il n'y a plus de section Stupéfiants, tout le monde va vouloir devenir vendeur sur la rue», a confié un enquêteur à La Presse

Et les sources?

Les enquêteurs de ces sections craignent également que cette décision ne fasse en sorte que les sources ne seront plus utiles et, par conséquent, cesseront d'être payées et feront défection. Les enquêteurs aux stupéfiants et aux gangs de rue, qui disent contrôler environ 65% de toutes les sources enregistrées du SPVM, sont inquiets des impacts de cette décision. «Chaque semaine, nous intervenons avant que des crimes ne soient commis grâce aux sources», nous ont dit à l'unisson plusieurs d'entre eux.

Le développement de sources commence souvent chez les patrouilleurs, dont plusieurs projettent déjà de devenir enquêteurs. Les modules SEMCJ sont reconnus pour être des pépinières d'enquêteurs pour des escouades relevées, comme la division du crime organisé et celle des Crimes majeurs.

«Tout ce qu'on fait, c'est qu'on décloisonne. Toutes les sections travailleront ensemble pour être plus efficaces dans la lutte contre la criminalité. Au final, on va mettre plus de ressources dans les centres d'enquête qu'auparavant», rétorque le commandant Ian Lafrenière. Le porte-parole du SPVM assure que les crimes avec violence et les stupéfiants continueront d'être une priorité dans les centres opérationnels et qu'il y aura toujours des projets d'enquête. Il confirme que la nouvelle structure obligerait des enquêteurs à travailler de soir et la fin de semaine, mais que des discussions ont cours avec la Fraternité à ce sujet. «Il y aura 900 départs au SPVM au cours des cinq prochaines années et ces changements vont contribuer à mieux préparer la relève», conclut-il.

Quelques chiffres



Stupéfiants et Gangs de rue des quatre régions en 2014:

• Plus de 360 perquisitions

• Plus de 1000 arrestations

• Plus de 1,5 million de dollars saisis

• Plus de 100 armes blanches saisies

• Plus de 120 armes à feu saisies

Source: SPVM