Les Mohawks de Kahnawake espèrent que le « flushgate » servira de signal d'alarme pour toute la population afin que plus jamais une telle atteinte au fleuve Saint-Laurent ne se produise. Des membres de la communauté manifestent depuis trois jours au bord d'une voie d'accès du pont Mercier. Ils invitent tous les Québécois à se joindre à eux.

« L'eau, c'est la vie ! », s'exclame Tekarontake, un homme rencontré hier en matinée sur les lieux du rassemblement. « Ce qui se passe ne concerne pas juste notre communauté. Ça ne concerne pas seulement les humains. Ça touche les poissons, les oiseaux, les animaux. Ça va amener des maladies », rage-t-il.

Depuis le début du grand déversement, dans la nuit de mardi à mercredi, des membres de la collectivité autochtone de la Rive-Sud ont spontanément installé un campement au bord d'une voie d'accès au pont Mercier : un feu, quelques bancs, des drapeaux, des tentes, des slogans. Il s'agit d'une initiative citoyenne et non d'une démarche du conseil de bande. « Ce n'est pas pour protester, mais pour éveiller les consciences », dit Tekarontake.

« On fait ça pour l'eau. Pour la nature. On ne peut pas arrêter [le déversement actuel], mais il ne faut plus jamais que ça arrive. Les gens doivent se mobiliser. », soutient Jennifer Cross, membre de la communauté mohawk.

Mercredi soir, une quinzaine de Québécois se sont d'ailleurs joints à la manifestation, raconte Jennifer Cross. « Je n'avais jamais vu ça, des non-autochtones qui se joignent à nous comme ça. » Elle espère que d'autres suivront leur exemple.

Les Mohawks pêchent toute l'année dans le fleuve. Mais, raconte Tiorahkwathe, un manifestant, ils ne consomment pratiquement plus le poisson. « Il y a 50 ans, notre congélateur était plein de poisson à longueur d'année. Maintenant, il n'est plus bon. On ne peut pas le manger. Il va nous tuer. » 

À ses yeux, le « flushgate » n'est qu'un symptôme du manque de respect de la société actuelle pour la nature et pour l'eau, ohnekanos, « le liquide précieux avec lequel j'étanche ma soif », en langue iroquoise. 

« On veut dire aux preneurs de décisions qu'il est temps d'arrêter. Pourquoi ne peut-on pas vivre en harmonie avec la nature plutôt que de la détruire ? Quand il ne restera plus rien, il sera trop tard. »

Le conseil de bande inquiet

Les dirigeants de la communauté mohawk observent avec frustration et inquiétude le déversement. « Nous comprenons qu'il n'y avait pas d'autre solution et que ça aurait pu être bien pire si on avait trop attendu pour procéder aux réparations, mais on n'aime pas ça. Il aurait fallu y réfléchir bien avant », dit l'attaché politique du conseil, Joe Delaronde.

Il déplore que sa communauté ait appris dans les médias que Montréal envisageait de déverser ses égouts dans le fleuve.

« On n'a pas été consultés. C'était notre droit de l'être. »

Depuis, les Mohawks ont toutefois participé activement aux discussions avec Ottawa pour trouver des solutions. Ils disent aussi avoir envoyé une lettre au maire Denis Coderre à la fin septembre. Ils n'ont pas obtenu de réponse.

« Je sais qu'Ottawa et même Montréal ont été placés dans une position difficile, mais il ne faut jamais qu'une telle chose se reproduise et pas seulement à Montréal. Il y a plusieurs villes qui déversent directement dans les cours d'eau. Le fleuve, c'est la vie. Il faut le protéger. »

Photo André Pichette, La Presse

Depuis le début du déversement dans le fleuve Saint-Laurent, des membres de la collectivité autochtone de la Rive-Sud ont installé un campement au bord d’une voie d’accès au pont Mercier.