La ministre de l'Environnement Leona Aglukkaq a annoncé dimanche la constitution d'un groupe d'experts scientifiques qui analyseront le projet de la Ville de Montréal de déverser huit milliards de litres d'eaux usées dans le fleuve Saint-Laurent.

Le gouvernement fédéral a nommé Robert Hausler, professeur au département de génie de la construction de l'École de technologie supérieure, Viviane Yargeau, professeure au département de génie chimique de l'Université McGill, ainsi que Daniel G. Cyr, professeur à l'INRS-Institut Armand-Frappier, pour examiner le projet de déversement.

Ce groupe aura jusqu'au 2 novembre pour remettre un rapport d'examen. D'ici là, la Ville ne pourra procéder aux travaux de réparations sur une conduite d'eau qui étaient initialement prévus entre le 18 et le 25 octobre.

Après avoir pris connaissance des informations fournies par l'administration du maire Denis Coderre, la ministre Aglukkaq considère que le déversement risque d'avoir des répercussions «importantes» sur l'environnement et déplore que la Ville n'ait pas fait d'étude sur les impacts d'un tel rejet. 

«Les données étant limitées, le Ministère ne peut pas confirmer si les eaux usées non traitées qui doivent être rejetées auront un degré de toxicité aigu», a fait savoir la ministre par communiqué.

Le gouvernement fédéral a souligné l'importance «d'avoir en main une analyse scientifique rigoureuse et exhaustive pour ce projet» tout en mentionnant au passage tenir compte des «vives préoccupations du public».

Le groupe d'experts analysera les risques environnementaux du déversement et tentera aussi de déterminer s'il existe d'autres mesures permettant d'en atténuer les effets.

«Renommés dans leur domaine, ces experts seront appuyés et secondés par l'expertise scientifique d'Environnement Canada. Nous obtiendrons ainsi une analyse scientifique rigoureuse et exhaustive de ce projet, et par le fait même, nous assurerons la meilleure protection possible au fleuve Saint-Laurent», a déclaré Mme Aglukkaq.

Au sujet de ce groupe d'experts, Jean-Patrick Toussaint, chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki, souligne les qualités de Daniel G. Cyr mais ne connaît pas ses collègues. «M. Cyr a fait des recherches sur les contaminants émergeant sur les poissons dans le fleuve Saint-Laurent, sa présence me paraît une bonne chose», a-t-il souligné. 

L'administration Coderre a indiqué à La Presse qu'elle ne comptait pas réagir dimanche.

Plus tôt en semaine, le maire avait vivement critiqué le gouvernement fédéral. La décision d'interrompre les travaux est «injuste» et «irresponsable», a-t-il publiquement dénoncé vendredi. Il avait également accusé le gouvernement conservateur de «faire de la politique» sur le dos des Montréalais et de vouloir gagner du temps d'ici les élections.

Dans une lettre envoyée à la ministre, le maire Coderre dit espérer une entente avant le 23 octobre, sans quoi les travaux risquent d'être reportés d'un an, ce qui augmenterait le risque de bris qui pourraient entraîner une fuite bien pire que le déversement, prévient-il.

Le gouvernement provincial, qui a autorisé le déversement, défend le travail de ses experts depuis trois semaines. «Les experts du gouvernement du Québec ont fait leur devoir. Ceux-ci ont effectué une analyse rigoureuse et complète, basée sur les connaissances scientifiques. D'ailleurs, leurs conclusions sont appuyées par des experts universitaires externes au gouvernement», avait réagi le ministre de l'Environnement David Heurtel le 14 octobre, jour où le gouvernement fédéral a annoncé la suspension du projet. 

La Fondation David Suzuki ne s'explique toujours pas, toutefois, pourquoi Environnement Canada, qui était au courant du projet de déversement depuis septembre 2014, n'a pas fait ses propres études plus tôt.

«Depuis le début, on navigue en eaux troubles dans cette histoire, déplore M. Toussaint. La Ville de Montréal n'a pas bien présenté le projet, les informations sur lesquelles le gouvernement provincial s'est basé pour autoriser le déversement sont plutôt minces et Environnement Canada n'a pas plus fait d'étude. Quelqu'un a échappé la balle à tous les niveaux.»

Même si, a priori, il croit que les impacts du déversement seront «minimes», M. Toussaint est d'avis que le projet ne peut être autorisé tant et aussi longtemps qu'une étude détaillée ait fait la lumière sur la situation.