Toilette brisée, robinet qui fuit, piscine creusée: les résidants de LaSalle qui gaspillent l'eau n'auront désormais plus à payer une surprime pour leur consommation excédentaire. Les élus de l'arrondissement ont décidé d'abandonner la tarification volumétrique partielle de l'eau. Les citoyens de l'arrondissement de Saint-Laurent sont maintenant les seuls Montréalais à devoir sortir leur portefeuille lorsqu'ils dilapident l'or bleu.

Pour l'année 2015, les citoyens de LaSalle devront uniquement payer la taxe fixe de 40$ par foyer, quelle que soit leur consommation d'eau, a annoncé l'arrondissement la semaine dernière.

Pourtant, tous les immeubles résidentiels de l'arrondissement du sud-ouest de l'île sont munis d'un compteur d'eau. Jusqu'à cette année, locataires comme propriétaires devaient se limiter à une généreuse consommation annuelle de 255 m3 d'eau, soit l'équivalent de 698 litres par jour. Une surprime de 0,37$/m3 pour consommation excédentaire s'appliquait ensuite jusqu'à 425 m3. Au-delà, il en coûtait 0,41$/m3. Pour donner un ordre de grandeur, une piscine hors terre moyenne contient environ 40 m3 d'eau et un spa, 1 m3.

Le coût «considérable» du remplacement des compteurs d'eau résidentiels a convaincu les élus de saborder la tarification volumétrique.

«Ce qu'on aurait dépensé pour remplacer des compteurs défectueux ou en installer de nouveaux, c'est de l'argent qu'on n'aurait pas eu pour investir dans l'entretien du réseau d'aqueduc à LaSalle [...]. Ce n'était vraiment pas rentable», explique Pierre Dupuis, directeur des affaires publiques de l'arrondissement.

Ce changement se fera toutefois à «coût nul», estime LaSalle, puisque des sommes importantes seront économisées en supprimant l'envoi annuel de cartons de lecture de compteur aux 25 000 foyers résidentiels ainsi que les dépenses administratives pour le recouvrement de dettes.

Les très grands consommateurs d'eau de l'arrondissement - quelques centaines de foyers - sont surtout des personnes vulnérables, et non pas de riches propriétaires, avance M. Dupuis.

«Ce sont des personnes très âgées ou des personnes parfois avec des problèmes de santé mentale qui ne réalisaient pas les conséquences d'un robinet qui fuit constamment pendant un an», explique l'employé de longue date de LaSalle. Dans certains cas, des familles à faible revenu pouvaient accumuler des dettes de 600$, voire de 750$, déplore-t-il. La décision des élus n'annule toutefois pas les dettes des citoyens.

C'est donc la fin d'une époque pour l'ancienne Ville de LaSalle, qui avait maintenu en place ses compteurs d'eau résidentiels en rejoignant Montréal. «C'était quelque chose qui était dans la philosophie, à LaSalle, que chaque famille soit conscientisée sur sa facturation volumétrique», affirme Pierre Dupuis.

Malgré les tentatives des élus à la suite des fusions, la tarification de l'eau au volume n'a jamais été adoptée par les autres arrondissements montréalais. «On n'a vraiment plus aucun espoir de voir cette mesure s'étendre. [...] On imagine mal la Ville de Montréal installer des dizaines de milliers de compteurs!»

La position de l'administration Coderre est d'ailleurs ferme à ce sujet. «La Ville de Montréal n'est pas favorable à l'installation de compteurs résidentiels», soutient le porte-parole Philippe Sabourin. La Ville n'a toutefois pas l'intention de forcer les arrondissements à cesser de tarifier l'eau. «C'est leur champ de compétence», ajoute-t-il.

Ainsi, l'arrondissement de Saint-Laurent reste le «dernier des Mohicans» de la Ville de Montréal. Nous avons pris acte de ce qui se passe à La Salle», a indiqué la porte-parole Geneviève Bouchard. Son tarif de base est de 25$ par logement pour les premiers 228 m3 d'eau par année (624 litres par jour). Chaque mètre cube d'eau excédentaire coûte ensuite 0,396$ au citoyen. Sept autres arrondissements imposent un tarif fixe variant de 20$ à 75$ par logement, peu importe la consommation d'eau.

Sans tambour ni trompette, Montréal continue d'implanter des compteurs d'eau dans les industries, commerces et institutions (ICI) de la métropole. L'an dernier, 2678 compteurs, pour un total de 4723, ont été implantés sur le territoire. L'objectif final est encore plus ambitieux: mettre en activité 16 400 compteurs d'ici 2018.