La lourde dette que traîne la Ville de Montréal continue à miner sa cote de crédit, prévient l'agence de notation Moody's. Et malgré les efforts de rigueur budgétaire de l'administration de Denis Coderre, les nombreux chantiers nécessaires pour retaper les infrastructures vieillissantes de la métropole québécoise continueront à alourdir son endettement.

Moody's vient d'annoncer qu'elle maintenait la cote de crédit de Montréal à Aa2, avec une perspective stable. L'administration Coderre s'est dite satisfaite de cette évaluation, qui lui permettra de continuer à obtenir de faibles taux d'intérêt lorsqu'elle a besoin d'emprunter sur les marchés.

« Ils reconnaissent les efforts que la Ville fait pour bien contrôler ses dépenses », a noté Pierre Desrochers, président du comité exécutif de Montréal.

Bien que cette cote soit de « haute qualité », Moody's souligne que la métropole québécoise est parmi les grandes villes canadiennes les moins bien cotées, principalement en raison de sa dette de 4,3 milliards. Toutes proportions gardées, cette dette est supérieure à la moyenne des autres villes canadiennes.

« Cette position s'explique en grande partie par l'endettement élevé de Montréal et le poids qu'exerce le remboursement de sa dette. La Ville dispose également de réserves inférieures aux villes mieux cotées », peut-on lire dans l'analyse de l'agence.

Emprunts accrus

Pour améliorer sa cote, Montréal devrait réduire le poids de sa dette, ce qui semble peu probable avec les nombreux chantiers en cours. Au contraire, Moody's anticipe que la métropole aura un recours accru aux emprunts au cours des prochaines années. 

« Le plan d'investissements pour les transports, la réfection des rues et du réseau d'eau va entraîner un endettement accru, ce qui va ajouter au poids de la dette de la ville déjà au-dessus de la moyenne », peut-on lire dans le rapport de Moody's.

Pierre Desrochers rappelle que l'état des infrastructures montréalaises rend incontournables des investissements massifs pour leur entretien. L'élu souligne d'ailleurs que 75 % des investissements visent à réparer des rues, canalisations ou égouts vieillissants.

Dans son analyse, Moody's note que Montréal avait entrepris de réduire le poids de sa dette ces dernières années, mais qu'il est reparti à la hausse en 2014. La dette équivalait à 91,9 % des revenus de la métropole l'an dernier, comparativement à 86,1 % en 2013. Ce ratio demeure néanmoins inférieur au sommet observé en 2005 alors qu'il était de 113,9 %. Reste qu'avec les 4,6 milliards en chantiers prévus d'ici 2017, Moody's anticipe que la dette pourrait grimper à 110 % des revenus en 2017 si tous les travaux prévus sont réalisés.

« La dette de la Ville devrait augmenter au cours des prochaines années, alors que les projets d'infrastructures se multiplient et que la Société de transport de Montréal doit entreprendre des travaux considérables au cours des prochaines années », évalue l'agence.

La rigueur saluée

Si Montréal évite une décote, c'est principalement grâce aux mesures de rigueur budgétaire, que Moody's décrit comme « des pratiques de gestion financière conservatrices », mises de l'avant par l'administration Coderre. L'agence voit particulièrement d'un bon oeil les « solides surplus » dégagés par la métropole.

L'agence prévient toutefois qu'elle surveillera avec attention deux politiques de la nouvelle administration montréalaise, soit l'engagement du maire de ne pas augmenter les taxes au-delà de l'inflation et celle de payer davantage de travaux au comptant. Moody's note que cette pratique « évitera d'augmenter le fardeau de la dette, mais accentuera la pression sur le budget courant ». Reste que Pierre Desrochers estime que Montréal est sur la bonne voie, son administration s'étant engagée à réinvestir les économies générées par les réductions de personnel dans les chantiers payés au comptant.

Par ailleurs, Moody's juge « peu probable » une décote de Montréal à moyen terme. Pour en arriver à un tel scénario, la Ville devrait générer des états financiers déficitaires, ce qui est loin d'être le cas. La métropole dégage des surplus depuis plusieurs années, celui observé en 2014 étant même le plus important depuis longtemps.

L'opposition à l'hôtel de ville croit toutefois que Montréal devrait miser sur ces économies pour réduire sa dette afin d'éviter une éventuelle décote. « L'administration Coderre a choisi de mettre le pied sur l'accélérateur de l'endettement et ça met Montréal dans une position vulnérable », dit Guillaume Lavoie, de Projet Montréal.

Les forces et les faiblesses de Montréal

Forces

+ De « solides surplus » dégagés année après année

+ Bon soutien des municipalités du gouvernement du Québec

+ Économie diversifiée

Faiblesses

- Endettement supérieur à la moyenne des villes canadiennes

- Budget sous haute pression

- Investissements majeurs requis dans les infrastructures