Le cauchemar récurrent des résidants et des entreprises de la banlieue sud-ouest de Montréal revient les hanter pour le troisième été d'affilée, à partir de ce soir, alors que vont reprendre les grands travaux de construction d'un nouveau tablier de béton sur la portion fédérale du pont Mercier.

À compter de 21h ce soir, la capacité de circulation du pont qui relie Châteauguay à la métropole, dans l'arrondissement de LaSalle, sera amputée de moitié à toute heure du jour ou de la nuit, jusqu'au 17 août prochain.Pendant ces huit semaines, une seule voie de circulation sera ouverte dans chaque direction. La vitesse sera limitée à 50 km/h. Les camions seront interdits de passage sur le pont Mercier en périodes de pointe.

S'il n'a pas l'ampleur de grands projets comme l'échangeur Turcot ou le nouveau pont Champlain, le chantier du pont Mercier sera de loin le pire de l'année 2015 sur le plan des entraves à la circulation et des retards quotidiens.

Au vu de l'expérience des dernières années, les automobilistes peuvent s'attendre à perdre entre 30 et 45 minutes dans la congestion, en périodes de pointe, le matin et l'après-midi, juste pour se rendre jusqu'au pont.

Des détours très coûteux

Pour les entreprises de camionnage L'Express du Midi, Transports Audec et Transports Delson, basées à Sainte-Catherine et à Delson, à seulement quelques kilomètres des chantiers, le pont Mercier est un «chemin naturel» vers la clientèle de toutes les régions situées au nord du Saint-Laurent. Pour leur propriétaire, Pierre Aubin, la reprise des chantiers représente surtout des frais d'exploitation additionnels qui pourraient se chiffrer en milliers de dollars chaque jour pour les deux prochains mois.

«En temps normal, j'ai 35 à 40 camions par jour qui traversent le pont Mercier, explique-t-il. S'il faut qu'ils passent tous par le pont Champlain ou par le pont de l'autoroute 30, dans un cas comme dans l'autre, on parle d'un détour qui va prendre de 60 à 90 minutes par camion, ou deux à trois heures avec l'aller-retour.»

«Au total, c'est des dizaines d'heures roulées et perdues. À un taux raisonnable de 80$ de l'heure, vous pouvez faire le calcul», ajoute le transporteur.

M. Aubin est établi dans la région du Roussillon depuis de nombreuses années et ne déménagerait ses entreprises pour rien au monde dans l'île de Montréal. Mais selon lui, le mauvais entretien des grands ponts du Saint-Laurent «va finir par coûter cher à tout le monde».

«Avec les travaux qui s'en viennent au pont Champlain, au tunnel LaFontaine et au pont Mercier, on est en train de monter un véritable mur devant Montréal», déplore-t-il.

Une blessure ouverte

Le retour des chantiers de la société Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain (PJCCI) ne réjouit pas non plus la mairesse de Châteauguay, Nathalie Simon. Chaque année, dit-elle, l'avancement des travaux de remise à neuf du tablier sur la section fédérale du pont ramène au premier plan les incertitudes quant à l'avenir de sa partie provinciale, qui est en très mauvais état.

En juin 2011, les régions du Suroît et du Roussillon, en banlieue sud-ouest de la métropole, ont eu un choc quand le ministère des Transports du Québec a ordonné la fermeture immédiate de la section aval du pont Mercier, entre Montréal et la Voie maritime du Saint-Laurent, après que des doutes eurent été soulevés quant à sa sécurité.

Depuis, des études ont démontré que tout en demeurant sécuritaire pour les usagers, la structure d'acier de cette partie du pont, construite en 1930, n'est pas assez solide pour recevoir le même type de tablier qui est en cours de construction sur la partie fédérale. La pérennité même de la structure est aujourd'hui remise en question, et sa conservation coûterait plusieurs centaines de millions de dollars.

«Le choc de 2011 est un souvenir qui est resté bien ancré à Châteaugauy, affirme la mairesse Simon. C'est presque comme une blessure qui se rouvrirait un petit peu à chaque fois que les travaux reprennent sur le pont. La région est tellement dépendante de cette infrastructure que sa perte ferait très mal. C'est ça qui fait peur.»

Mme Simon reconnaît qu'au fil des chantiers, la communication s'est améliorée avec PJCCI et les autres responsables publics des réseaux de transport métropolitain. La municipalité a été prévenue tôt des dates de fermeture annuelle du pont, et on a reconduit l'aménagement d'une voie réservée qui permettra aux autobus de contourner en partie la congestion routière et d'accéder directement au pont, en périodes de pointe.

Transports en commun, voie réservée

Une voie réservée a été aménagée pour permettre aux autobus du Conseil intermunicipal de transport du Sud-Ouest (CITSO) d'éviter en partie la congestion et d'accéder sans entraves au pont. Des navettes locales cueilleront les passagers sur le territoire du CITSO pour les mener jusqu'à l'Autoparc du boulevard Saint-Jean-Baptiste, où ils pourront monter dans des bus express en direction du centre-ville ou du terminus Angrignon, à Montréal. Les départs seront assurés toutes les 6 à 7 minutes, au coeur de la pointe. Malgré ces mesures, les temps de parcours devraient s'allonger de 10 à 15 minutes.

Les camionneurs vont souffrir

Afin de faciliter la circulation durant les périodes de pointe du matin et de la fin d'après-midi, il est interdit aux camions d'emprunter le pont Mercier durant les plages horaires suivantes : de 5 h à 9 h du matin, en direction de Montréal et de 15 h à 19 h, en direction de la Rive-Sud.