Qui veut de la bibliothèque Saint-Sulpice, un haut lieu patrimonial situé en plein coeur du Quartier latin de Montréal? Personne au gouvernement, selon ce qu'a appris La Presse. Aucun ministère ni aucune société d'État n'auraient signalé un intérêt pour acquérir ou occuper le site, vacant depuis 10 ans.

Dans les coulisses, le ministère de la Culture, qui a racheté en 2007 le lieu inscrit au registre du patrimoine, aurait sondé le terrain depuis des mois, en vain. L'automne dernier, la ministre Hélène David a finalement promis de lancer un appel d'offres de projets, mais les idées qu'elle a spontanément reçues étaient toutes «très onéreuses et ne comportaient aucun plan financier viable», explique-t-on à son cabinet.

C'est pourquoi elle a finalement choisi de mettre l'endroit en vente, samedi dernier. «Nous essayons de trouver un acheteur qui aura un projet intéressant et intelligent», a-t-elle dit, sans toutefois s'engager formellement à ce que la bibliothèque conserve une vocation culturelle.

«Nous prenons l'engagement que ce n'est pas n'importe quoi qui sera là-dedans. L'édifice ne sera pas non plus transformé en condos, c'est impossible», a-t-elle ajouté, précisant que tant la coquille extérieure que l'intérieur - y compris le mobilier - sont protégées par la loi.

Les critiques fusent

Depuis que La Presse a révélé vendredi que le lot «ayant une superficie de 3150 m2, avec une bâtisse dessus construite» mis en vente par le gouvernement du Québec est la bibliothèque Saint-Sulpice, les réactions sont nombreuses. Plusieurs ont dénoncé que cette vente n'ait pas été annoncée explicitement par le ministère de la Culture.

«Le gouvernement se dit champion de la transparence. Or, on tente de vendre en catimini une institution culturelle historique, sans soulever l'enjeu dans la sphère publique. C'est inacceptable», a déclaré la porte-parole de l'opposition officielle en matière de Culture, Véronique Hivon.

Selon la députée péquiste, «le ministère de la Culture doit renoncer à sa mise en vente. Ça peut prendre du temps encore, avant de trouver un projet porteur, mais il faut se donner le temps».

Une honte

À la Société de développement du Quartier latin, on semble soulagé que l'édifice soit enfin pris en charge. «Pour l'instant, c'est presque une honte», a expliqué Philip O'Dwyer, directeur général de la SDC.

«Si la bibliothèque Saint-Sulpice était un de mes marchands, elle serait la pire sur la rue! L'entretien ne se fait plus. L'endroit est parsemé de graffitis et est occupé par des squeegees», a-t-il dit.

Épuisé, l'organisme a même proposé au ministère de la Culture d'agir à titre de concierge, a-t-on expliqué à La Presse. Le gouvernement n'a finalement jamais retenu son offre.

De son côté, le directeur des politiques d'Héritage Montréal, Dinu Bumbaru, est furieux. Il réclame que le gouvernement suspende la vente de la bibliothèque Saint-Sulpice et que la ministre Hélène David, de pair avec le maire de Montréal, Denis Coderre, mette sur pied un comité stratégique pour trouver une nouvelle vocation au site.