Bris d'équipement, absentéisme, manque de formation: la dernière opération de déneigement a connu bien des ratés à Montréal, révèle un rapport du contrôleur général dévoilé hier. La majorité des arrondissements auraient dû «sécuriser les trottoirs» en poursuivant l'épandage d'abrasif plutôt que de démarrer le chargement de la neige en pleine tempête de verglas, conclut-il. Le maire Denis Coderre entend rectifier le tir en dotant la Ville d'une politique unique de déneigement. Portrait des failles par arrondissement.

Le maire Denis Coderre ne «niaisera pas avec la puck»: il promet des améliorations dans les opérations de déneigement dès la prochaine tempête.

À la lecture du rapport du contrôleur général, le maire en est venu à la conclusion que la dernière opération de déneigement fut marquée par une «série de petits échecs».

Le processus est déjà enclenché, dit-il, pour appliquer les 16 recommandations du contrôleur général de la Ville, Alain Bond. En tête de liste figure l'absence d'une norme commune pour l'épandage d'abrasifs sur les trottoirs.

Le rapport du contrôleur général montre aussi du doigt l'absence de cohésion dans la manière de déneiger d'un arrondissement à l'autre, ainsi que des différences dans les façons de travailler des cols bleus et des sous-traitants.

C'est pourquoi le maire promet de doter l'ensemble la Ville d'une politique commune de déneigement. 

Plutôt que de gérer les ressources «en silo» dans chaque arrondissement, le maire Coderre propose de créer une banque centrale d'équipements, ainsi qu'un «pool» d'employés pour combler les problèmes d'absentéisme.

De passage à l'hôtel de ville hier pour obtenir une copie du rapport, le président des cols bleus, Michel Parent, a remarqué que la population profiterait d'un «meilleur service» si de tels changements étaient apportés. Il a souligné qu'il existait déjà une politique commune de déneigement avant les fusions municipales.

Le chef de l'opposition, Luc Ferrandez voit d'un bon oeil le partage d'équipements, mais estime que le partage d'employés pourrait être difficile à appliquer au plus fort des tempêtes où les arrondissements passent à travers les listes de rappel.

Rappelons que les nombreux ratés dans les opérations de déneigement et de déglaçage des trottoirs ont engendré près de 3000 plaintes à la Ville.

Opération «urgence trottoirs»

Le rapport du bureau du contrôleur général relève aussi des failles dans le choix et le processus d'épandage d'abrasifs.

«Il y a manifestement une difficulté opérationnelle pour les arrondissements à maintenir des activités d'épandage sur les trottoirs parallèlement aux opérations de chargement de la neige», écrit-il dans son rapport. «L'opération de chargement décrétée les 4 et 5 janvier a mis une pression sur les arrondissements à faire des choix qui n'étaient pas nécessairement les meilleurs. Notre examen confirme que la meilleure stratégie, pour une majorité d'arrondissements, aurait été de poursuivre les opérations d'épandage sur les trottoirs afin de bien sécuriser le déplacement des citoyens», ajoute-t-il.

M. Bond souligne qu'en situation de verglas, il pourrait être sage de mobiliser toutes les équipes à une opération «urgence trottoirs» avant de commencer le chargement.

Le contrôleur général recommande aussi la mise en place d'un plan d'intervention d'épandage manuel d'abrasifs et de fondants dans certaines zones critiques, devant les hôpitaux ou les écoles par exemple.

M. Bond suggère de ralentir la vitesse des épandeuses pour augmenter la quantité d'abrasifs déposés aux pieds carrés.

Le mélange des sels pourrait enfin être revu, croit le contrôleur, en collaboration avec des experts.

«Les recherches doivent permettre d'identifier la disponibilité sur le marché des différents produits et mélanges d'abrasifs et des choix de fondants les plus performants, pour les conditions atmosphériques telles que nous avons subies et qui risquent d'être de plus en plus récurrentes avec les changements climatiques», souligne-t-il.

Autopsie d'une opération ratée

De leur propre aveu, les équipes de déneigement ont été prises de court par les grandes variations de température qu'a subies Montréal, le premier week-end de janvier. Bris de matériel, manque de personnel, fuites d'eau : différents pépins techniques se sont ajoutés aux caprices de Dame Nature, montre l'audit du contrôleur général. Avec un peu partout la même conséquence, conclut en outre le rapport : on a « perdu le contrôle » des trottoirs.

SUD-OUEST

L'arrondissement du Sud-Ouest s'est heurté à un enjeu majeur d'absentéisme. Les employés affectés au déneigement ont le droit de refuser d'entrer au travail à trois reprises durant l'hiver avant de perdre leur place sur la liste d'appels. Les 4 et 5 janvier, la moitié des employés du Sud-Ouest ont exercé ce droit. Par ailleurs, six appareils étaient en réparation à ce moment. Résultat : à peine 50 % des parcours ont pu être effectués. Plus tard, l'arrondissement a constaté que seulement deux employés auxiliaires sur leur liste étaient habilités à utiliser les appareils affectés aux trottoirs et à l'épandage.

ANJOU

L'arrondissement a interrompu son épandage d'abrasifs durant une période de 9 heures, le 5 janvier. Une opération de chargement a été décrétée durant cette période, alors que la température était encore en transition entre la pluie et le gel. L'arrondissement utilise les mêmes camions pour le chargement et l'épandage de sels. Deux équipements sont par ailleurs demeurés remisés, car les employés contactés avaient refusé de rentrer au travail ou n'avaient pas la formation nécessaire pour utiliser l'équipement.

PLATEAU-MONT-ROYAL

Les opérations de chargement de la neige ont été ralenties par le nombre très élevé de remorquages, que le maire Luc Ferrandez attribue au fait que beaucoup de véhicules n'étaient pas garés devant le domicile de leur propriétaire ou appartenaient à des gens de passage dans le quartier. Ils n'ont donc pas entendu les sirènes annonçant le passage des camions de déneigement. Le 4 janvier, le refroidissement imprévu a forcé le rappel des employés au volant d'équipements inadéquats, ce qui a retardé les opérations. Des bulletins météo à intervalles plus rapprochés auraient permis de mieux gérer la situation, estiment les responsables.

AHUNTSIC-CARTIERVILLE

Deux autos-niveleuses et cinq tracteurs-chargeurs-pelles sont restés au garage durant l'opération de chargement de la neige en raison d'un manque d'effectifs dû à la période des fêtes. Le 5 janvier, neuf cols bleus étaient absents.

ÎLE-BIZARD-SAINTE-GENEVIÈVE

La nuit du 3 au 4 janvier, seuls deux employés étaient en poste. L'épandage n'a commencé que tôt le 6 janvier, soit 4 jours après le début de la tempête et près de deux jours après la première chute de pluie et de verglas. Durant quelques heures, 7 équipements ont subi des bris en même temps, ce qui a perturbé les opérations de déneigement, mais n'a eu aucun impact sur les opérations de sablage, soutient l'arrondissement.

LASALLE

L'entretien des trottoirs a été ralenti par les nombreuses branches d'arbres tombées au sol en raison du verglas. Incapable de répondre à la tâche, l'arrondissement a dû faire appel à une compagnie privée. « Selon nos discussions, l'arrondissement aurait eu autant de plaintes reliées au verglas qu'aux branches d'arbre », peut-on lire dans le rapport du contrôleur général.

MONTRÉAL-NORD

L'arrondissement n'a pas dû composer avec l'absentéisme ou un bris majeur d'équipement. Mais le travail des conducteurs de chenillettes a été compliqué par le fait que les citoyens ont jeté la neige de leur entrée sur les trottoirs. Des citoyens ont aussi garé leur véhicule trop près du trottoir dans les rues en pente, forçant les employés à ralentir la cadence du travail. Des équipements de déneigement ont aussi été détournés pour colmater des fuites d'eau.

LACHINE

Aucun problème d'absentéisme n'a été constaté, mais là aussi, le travail des employés de Lachine a été compliqué par la chute de branches sur les trottoirs. L'arrondissement a dû faire appel à un entrepreneur.