«Je n'aurais jamais connu d'enfant qui s'appelle Amir si je n'allais pas à la bambinerie!»

Dans le salon d'une résidence de Montréal-Nord bondée d'enfants et de parents, une maman née au Lac-Saint-Jean a lancé cette phrase en riant, hier après-midi. Pourtant, personne dans la pièce n'entendait vraiment à rire. La bambinerie, qui offre des activités parents/enfants du mardi au vendredi, doit fermer le 12 décembre. Le lieu d'échanges - souvent multiculturels dans cet arrondissement où 61% de la population est née à l'étranger ou a un moins un parent né à l'extérieur du pays* - est victime de la «consolidation de l'offre de services offerte aux citoyens», a annoncé l'arrondissement dans une lettre envoyée aux utilisateurs du service jeudi dernier.

La lettre, signée par le chef de division de la Direction de la culture, des sports, des loisirs et du développement social, Guy Bédard, a eu l'effet d'une petite bombe. Officiellement, la bambinerie «favorise le développement global de l'enfant par le jeu et le contact avec les autres participants», lit-on sur le site web de l'arrondissement. Officieusement, elle permet de «former de meilleurs citoyens», selon les parents que La Presse a rencontrés hier.

«À l'arrivée à l'école, les enseignants voient la différence. Et dans un quartier comme Montréal-Nord, on a besoin d'enfants prêts», a ainsi résumé Emmanuelle Lang, dont les enfants utilisent le service payant. Comme elle, une dizaine de parents, grands-parents et arrière-grands-parents ont énuméré les bienfaits de cette activité. «Ça permet de briser l'isolement, d'accueillir les nouveaux arrivants, d'aider les enfants à se sociabiliser», a déclaré Derek Mac Kenzie, qui fréquente le service avec ses deux enfants.

Lettres et pétition

Ce soir, plusieurs utilisateurs du service promettent d'assister au conseil d'arrondissement. Ils y déposeront des lettres, un diaporama et une pétition dans l'espoir de sauver leur bambinerie. Le service est essentiel et complémentaire aux services de garde, croient les parents, qui apprécient l'approche d'apprentissage par le jeu et le concept des activités auxquelles les adultes doivent participer.

Le maire de Montréal-Nord, Gilles Deguire, est prêt à les écouter. «Notre volonté est de continuer d'offrir des services de proximité», a-t-il souligné hier soir, en entrevue à La Presse. Mais l'arrondissement qu'il dirige est loin de nager dans les surplus, a précisé le maire, à qui la réforme du financement des arrondissements permettra de recevoir 3 millions de dollars supplémentaires en cinq ans. «Depuis les fusions, on a perdu entre 20 et 25 millions. Donc on n'est toujours pas en situation financière facile, et il faut continuer de travailler fort.»

Les parents gardent espoir d'infléchir la décision des élus, et ils arriveront à la réunion du conseil avec des pistes de solution. Ils suggèrent entre autres que le local de la bambinerie, ouverte quatre matins par semaine, soit utilisé à temps plein. Ici, les parents et le maire sont d'accord. «Les organismes sociocommunautaires de Montréal-Nord demandent des locaux», a avancé M. Deguire. Les utilisateurs de la bambinerie sont aussi prêts à payer plus cher pour le service, qui emploie par ailleurs une seule personne. Mais pour que la bambinerie survive, les parents devront à tout le moins la fréquenter avec assiduité, a laissé entendre le maire, qui a déploré un intérêt sporadique de la part des parents.

* Chiffre tiré du document Profil sociodémographique de l'arrondissement de Montréal-Nord», publié en 2011.