Enlisé depuis des années, le chantier du nouveau rond-point Dorval profitera d'un second souffle. Le ministère des Transports va modifier la conception de ses structures au-dessus des voies ferrées du CN et du CP de manière à ne plus empiéter sur leur emprise. Cet important changement permettra de compléter la réalisation du projet d'ici cinq ans.

Selon le nouvel échéancier découlant de ce «développement récent», le MTQ estime maintenant pouvoir assurer que les nouveaux liens routiers directs entre l'autoroute 20 et l'aéroport international Trudeau seront finalement terminés pour 2017, affirme la porte-parole du MTQ, Sarah Bensadoun.

Quant au «volet nord» du vaste projet de réaménagement du rond-point Dorval, qui comprend plusieurs voies de raccordement entre le réseau municipal et les autoroutes 20 et 520, le MTQ prévoit maintenant le terminer pour 2019.

Coûts à évaluer

Les conséquences du changement de conception prévu par le MTQ n'ont pas encore été évaluées sur le plan des coûts, a précisé Mme Bensadoun. La dernière estimation, en octobre 2012, s'élevait à 507 millions, plus de trois fois le coût annoncé.

Ce gigantesque projet routier et ferroviaire, d'une complexité inouïe, est enlisé depuis des années. Le projet, annoncé en 2005 au coût de 150 millions de dollars, devait être terminé en 2011. C'est devenu aujourd'hui une zone en chantier permanent, balisée partout par des cônes orange et où rien ne semble jamais vraiment avancer.

En traversant le secteur par l'autoroute 20, les automobilistes peuvent voir une haute rampe de béton qui s'élance du côté nord des voies ferrées... et qui s'arrête net à la limite du corridor ferroviaire. Ce viaduc inachevé, construit il y a déjà plusieurs années, est devenu une sorte d'icône du chantier qui n'aboutit pas. Et il sera aussi au coeur des changements de conception envisagés par le MTQ pour enfin relancer le projet.

Après plusieurs années de discussions avec le CN et le CP pour prolonger ce viaduc au-dessus des voies ferrées et relier directement l'autoroute 20 à l'aéroport international de Dorval, le MTQ a récemment décidé de jeter l'éponge et de revoir toute la conception de ses structures routières, de façon à ce qu'elles n'empiètent plus dans l'emprise ferroviaire. Ces travaux de «re-conception» sont déjà en cours, a dit Mme Bensadoun.

C'est le ministre des Transports du Québec, Robert Poëti, qui a vendu la mèche lors d'une conférence de presse, mardi dernier, en soulignant qu'«il n'est pas toujours facile de s'entendre» avec les entreprises ferroviaires, et que la décision du Ministère visait «à nous permettre de finaliser ces travaux, qui sont effectivement là depuis fort longtemps».

Les travaux ont été officiellement lancés il y a un peu plus de cinq ans, au début de 2009. Le coût estimé du projet, à 224 millions, avait déjà bondi de 50% par rapport aux estimations de 2005. Les travaux devaient alors être terminés pour 2013.

Le projet visait à doter l'aéroport international Trudeau de sens routiers exclusifs et directs avec les autoroutes 20 et 520, et à séparer les «grands mouvements de circulation», soit la circulation locale, le trafic de transit sur le réseau autoroutier et les déplacements en direction ou en provenance de l'aéroport.

L'ancien rond-point Dorval, inauguré en 1965, était alors d'une conception désuète. Le trafic autoroutier de l'A20, située du côté sud des voies ferrées du CN et du CP, de même que les résidants locaux désirant se rendre d'un côté à l'autre de la municipalité de Dorval, devaient tous converger avec le trafic de l'aéroport dans un étroit tunnel aménagé sous les voies ferrées, afin de passer d'un côté à l'autre de cette barrière ferroviaire.

Le projet prévoyait la transformation du rond-point en deux intersections routières avec feux de circulation pour faciliter et pour sécuriser les déplacements locaux, dans l'axe de l'avenue Dorval. Le réaménagement du carrefour allait permettre une circulation fluide sur l'A20, libérée du trafic local, canalisé vers d'autres accès routiers.

Quant à la circulation vers l'aéroport international, elle devait être assurée par une bretelle reliant directement l'autoroute 20 à l'aéroport, au-dessus des voies.

Dérapage

Dans un rapport produit en 2012 pour Infrastructure Québec, la firme Secor-KPMG affirme toutefois que le projet a rapidement dérapé à cause «de lacunes majeures en termes de gouvernance et de gestion de projet qui ont contribué à des augmentations significatives des coûts et à des reports d'échéancier».

À l'époque, le MTQ avait largement sous-estimé les difficultés d'intégration du projet et d'acquisition des terrains nécessaires à sa réalisation dans un territoire déjà très chargé, de même que les difficultés de négocier avec deux géants du transport par rail. Le CN et le CP voient d'un mauvais oeil toute intervention sur leur propriété qui soit de nature à ralentir la vitesse des convois ou de nuire à la fluidité des trains.

Les derniers changements dans la conception du projet élimineront le besoin de construire un pont ferroviaire temporaire et d'y déplacer les voies ferrées déjà existantes, afin d'assurer le passage continu des dizaines de trains de marchandises et de passagers qui empruntent ce corridor chaque jour.

Malgré ces changements, le MTQ devra tout de même s'entendre avec le CN et le CP pour négocier des droits aériens de passage au-dessus de leurs voies ferrées.