Stationnement, enlèvement des ordures, des centaines de kilomètres de rues maintenant sous sa responsabilité: l'administration Coderre a annoncé hier une opération de centralisation comme la Ville n'en a pas connu depuis 2001.

Ce sont en fait plusieurs responsabilités importantes qui échapperont dorénavant aux arrondissements, selon les documents remis aux journalistes. On y préfère les termes d'«harmonisation» et de «cohérence» à celui, potentiellement controversé, de «centralisation».

La réforme a été littéralement pilonnée par les élus de l'opposition, tant de Projet Montréal que de Coalition Montréal, qui l'ont qualifiée d'«injuste» (voir autre texte).

En point de presse, le maire Denis Coderre a d'entrée de jeu cité l'ex-premier ministre Raymond Barre. «Mieux vaut être impopulaire qu'irresponsable [...]. Je sais que ça ne plaira pas à certaines personnes, mais nous sommes allés là où aucune administration précédente n'était allée. Ce sera une des réalisations les plus structurantes de l'histoire de la nouvelle Ville de Montréal.»

Montréal utilise depuis les fusions des budgets dits «historiques», originellement conçus par les villes de banlieue et l'ex-ville qu'on a divisée en neuf arrondissements. On tente depuis 2006 de réformer ces budgets, la plus récente tentative ayant été celle de Michael Applebaum en 2012, alors qu'il occupait les fonctions de président du comité exécutif.

«Le statu quo n'était pas acceptable, a déclaré le maire Denis Coderre. La Ville n'a pas créé d'iniquité, mais a pu contribuer à les développer, même si certains ajustements ont été faits. Le sous-financement des arrondissements doit être réglé une fois pour toutes pour aller de l'avant.» Il a refusé de parler de centralisation. «Ne m'embarquez pas dans la centralisation, ce n'est pas ça. C'est de l'harmonisation, de la cohérence.»

Pour une meilleure qualité de vie

Il a justifié sa réforme par la nécessité d'«améliorer la qualité de vie des citoyens en offrant une plus grande cohérence et une plus grande équité», soutenant qu'elle engendrerait des économies d'échelle, «mais pas au détriment des arrondissements». Il a défendu les «particularités des arrondissements», mais a estimé qu'il était «temps que Montréal marche à l'unisson». «Notre approche est équilibrée. Nous sommes en faveur des arrondissements, ils rendent des services directement aux citoyens, ils sont essentiels au bon fonctionnement de notre ville.»

Au premier plan, les voies routières qui relèvent de la ville centre, soit les artères, passent de 24 à 52% du réseau. Le maire a cité à titre d'exemple les rues Saint-Hubert et Bélanger. Toutes les activités de stationnement tarifé, à l'exception des vignettes, relèveront maintenant de la Ville, tout comme l'enlèvement des ordures et leur transport. Enfin, le développement économique, les tarifs des permis et le contrôle animalier subiront le même sort.

Dix ans de transition

Cet exercice sert de toile de fond à une révision complète du financement des arrondissements, selon des paramètres objectifs qu'on souhaite stables et prévisibles. Globalement, la ville centre continuera de verser la même somme en dotation à ses 19 arrondissements, soit 993 millions prévus en 2015. Les nouveaux transferts, qui augmenteront globalement de 0,37% par année, sont maintenant établis selon des critères mathématiques complexes, comme la longueur des rues, le volume de neige ou la population.

Certains verront les transferts augmenter considérablement, notamment LaSalle et Pierrefonds-Roxboro. En revanche, des arrondissements comme Outremont, Ville-Marie et Le Plateau-Mont-Royal subiront de plein fouet ces nouvelles règles de transfert. Pour permettre une transition sans douleur, les arrondissements perdants verront les baisses étalées sur dix ans. Ceux qui ont droit à un transfert bonifié auront droit à des hausses étalées sur cinq ans.

Ils ont dit

«Cette réforme est très mauvaise. On doit dire au maire [Denis] Coderre de l'abandonner. Par ses effets de centralisation, il y a un refus de partager le pouvoir. Il n'y a pas juste un king à Montréal, il y a 19 maires d'arrondissement avec lesquels il doit apprendre à partager. [...] Il ne connaît pas la complexité, la diversité de Montréal. Pierrefonds-Roxboro n'est pas la même chose que Le Plateau-Mont-Royal ou que Rosemont-La Petite-Patrie. Il est à l'aise avec les choses simples, mais la réalité est plus compliquée. »

 - Richard Bergeron, chef de Projet Montréal

 «Nous avons 103 000 habitants, LaSalle en a 75 000. Il n'y a personne qui peut trouver ça justifié.»

- Luc Ferrandez, maire du Plateau-Mont-Royal, dont le budget d'arrondissement sera le même que LaSalle d'ici 10 ans

«La seule place où doit aller cette proposition budgétaire, c'est dans les poubelles.»

- François Croteau, maire de Rosemont-La Petite-Patrie 

«C'est une claque en pleine figure pour un arrondissement qui a fait le choix démocratique de demeurer à l'intérieur de la Ville de Montréal.»

- Marie Cinq-Mars, mairesse d'Outremont

«Les résultats ne donnent pas ce que les objectifs visaient. On devait avoir plus d'équité, c'est le contraire qui se produit.»

- Benoit Dorais, maire du Sud-Ouest et chef de Coalition Montréal

En quête d'une majorité

Comme le prévoit la Charte de la Ville de Montréal, tout changement provisoire aux compétences des arrondissements, pour moins de deux ans, doit être adopté par une majorité d'élus au conseil municipal. En outre, les deux tiers des conseillers doivent appuyer les changements aux compétences des arrondissements s'étalant sur plus de deux ans.

Au cabinet de M. Coderre, on précise qu'on tentera d'obtenir une majorité simple «dans un premier temps», au retour des conseillers à la fin de l'été. Or, l'administration Coderre ne contrôle que 27 des 65 sièges. Elle a pu compter jusqu'à maintenant sur les six élus de Coalition Montréal pour les votes importants. Le chef de la Coalition, Benoit Dorais, a cependant précisé qu'il s'opposait à la réforme d'abord «à titre de maire du Sud-Ouest». «Nous n'avons pas eu de caucus de la Coalition. On aura tout le temps d'analyser ça.»