Passer aux logiciels libres, abolir une grande partie des lignes téléphoniques, miser sur l'internet sans fil: accusant un important retard technologique, la Ville de Montréal entreprend un important ménage des outils qu'utilisent ses employés.



Au début de l'année, la métropole a analysé l'ensemble des outils technologiques utilisés par ses employés. Les ordinateurs sont modernes, mais pas les logiciels qu'ils utilisent, résume Harout Chitilian, élu responsable des technologies de l'information à Montréal. «Si une chose a bien été faite dans les dernières années, ils ont renouvelé le matériel de façon presque religieuse. Tu ne retrouveras pas de 486 ou de Pentium 1 à la Ville», dit l'élu, faisant référence aux ordinateurs du début des années 90. Plusieurs des logiciels sont toutefois périmés. Le principal système d'exploitation utilisé par les ordinateurs de la Ville est Windows XP, dont Microsoft a cessé d'offrir le soutien technique depuis avril. La migration vers Windows 7 prendra environ un an, pour une facture d'environ 7 millions. En misant sur les logiciels libres et en rationalisant les lignes téléphoniques, la Ville espère économiser au passage au moins 1,5 million par année.



Navigateur désuet


Les employés de la Ville de Montréal utilisent un navigateur désuet, Internet Explorer 7. Soulignons que Microsoft en est à la 11e version de son fureteur. Vérifications faites, moins de 0,7% des internautes utilisent encore IE7, selon la firme Net Applications. Mais plusieurs applications de la Ville sont optimisées pour ce navigateur désuet. Du coup, de nombreux internautes, notamment les utilisateurs d'Apple, peuvent souvent éprouver des difficultés avec le site de la Ville. «Ce n'est pas normal», reconnaît Harout Chitilian. Montréal envisage de possibilité d'utiliser plusieurs navigateurs, comme Google Chrome ou Firefox. Au Canada, le navigateur Google Chrome est le plus utilisé (33%), suivi d'Internet Explorer (24% toutes versions confondues) et Safari (15%), selon le site StatCounter.

Élagage dans les logiciels

Les fonctionnaires de Montréal devront renoncer à leurs jeux. Lors de ses vérifications, Montréal a recensé pas moins de 2311 logiciels (16 000 en comptant les diverses versions) sur les ordinateurs de ses employés. Du nombre, 945 logiciels n'avaient aucun lien avec leur travail, notamment des jeux. La Ville souhaite maintenant réduire à 300 le nombre de logiciels sur ses ordinateurs afin de faciliter la gestion de son parc informatique. En effet, le vérificateur général de Montréal a relevé dans son plus récent rapport d'importantes lacunes dans la gestion des licences. La Ville a reçu ces dernières années trois factures imprévues d'un total de 2,7 millions, pour son utilisation de logiciels sans licences.

D'Office aux logiciels libres

Les employés de Montréal utilisent encore la version 2003 de Microsoft Office, une suite de logiciels qui ne reçoit plus de soutien technique depuis avril dernier. La Ville de Montréal a renoncé à l'idée d'équiper ses ordinateurs de la plus récente version de cette suite, estimant qu'elle ne répond plus à ses besoins. La métropole jongle plutôt avec trois scénarios, misant sur les logiciels libres et les services infonuagiques, soit ceux offerts en ligne. La Ville évalue qu'il en coûterait près de 11 millions pour miser entièrement sur les logiciels libres, principalement pour convertir les fichiers. Montréal n'a pas encore défini combien il pourrait lui en coûter pour miser sur des logiciels infonuagiques.

Du mou dans les «lignes dures»

Au moins 3200 employés de Montréal disposent à la fois d'un téléphone fixe et d'un cellulaire. La Ville évalue que de 80 à 90% pourraient se passer de leur ligne dure. «On voit une tendance forte où les gens ont un téléphone fixe, mais ne l'utilisent pas. La décision nous apparaît assez évidente de rationaliser le nombre de lignes», dit Harout Chitilian. Montréal évalue qu'elle pourra ainsi économiser 3 millions sur 5 ans, chaque ligne fixe coûtant 207$ annuellement. En parallèle, Montréal veut aussi convaincre les 3000 employés qui utilisent encore de «vieilles» lignes téléphoniques de passer à la technologie IP. Ces nouvelles lignes coûtent 8$ par mois, contre 25 à 28$ pour les anciennes, une économie potentielle de plus de 600 000$ par an.

Vers un Montréal sans fil

La Ville de Montréal souhaite passer au sans-fil pour rester branchée dans ses édifices. Présentement, c'est la compagnie Telus qui gère le réseau «filaire» de la métropole permettant aux ordinateurs d'être connectés. La Ville évalue qu'elle pourrait se passer se ses 18 000 prises d'accès en misant sur des bornes sans fil. Montréal devra toutefois mieux sécuriser son réseau, prévenait le Vérificateur général dans son récent rapport. Sur les huit édifices audités, deux avaient des réseaux ouverts, sans aucune sécurité, ce qui représente un risque «élevé». Le Vérificateur avait même découvert une borne «cachée» dont on n'a pu déterminer l'installateur.

Apportez votre tablette

Montréal réfléchit à la possibilité de permettre à ses employés d'utiliser leurs appareils personnels au travail. Dans son rapport, la Ville prend note de la «pratique de plus en plus répandue consistant à utiliser ses équipements personnels (ordinateur portable, tablette) dans un contexte professionnel», ce que les anglophones ont baptisé le Bring your own device. «On n'est pas rendus là, mais on doit y réfléchir, notamment pour les questions de sécurité. Entre une PME et la Ville, il y a une vingtaine de milliers d'employés de différence», dit Harout Chitilian.