Le ministère des Transports du Québec (MTQ) prévoit dépenser 300 millions au cours des prochaines années afin de maintenir le pont Honoré-Mercier en état fonctionnel et sécuritaire, en attendant de statuer sur sa reconstruction partielle ou son remplacement pur et simple par une nouvelle structure.

Selon des données du Plan québécois des infrastructures (PQI), le MTQ a déjà dépensé une somme de 123 millions depuis 2007 pour entretenir et renforcer le pont Mercier. La majorité de cette somme a servi à financer des travaux de renforcement de la structure d'acier entrepris après la fermeture d'urgence du pont survenue en juin 2011 pour des raisons de sécurité.

Ces travaux de réparations de la structure d'acier se poursuivent, et se poursuivront encore pour plusieurs années à venir, en attendant que le gouvernement du Québec prenne une décision finale quant à l'avenir du pont actuel. Une étude de 15 millions menée par un consortium formé par les firmes d'ingénierie SNC, Genivar et BPR, attendue dans un an, évaluera les coûts et l'opportunité de plusieurs scénarios, incluant une reconstruction partielle de la structure actuelle ou son remplacement par un nouveau pont.

En attendant que cette décision soit mise en pratique, le MTQ estime que le coût des travaux nécessaires pour maintenir la structure actuelle en état de fonctionner s'élèvera à 302,7 millions. Une porte-parole du Ministère, Mme Bensadoun, a indiqué à La Presse que cette somme, inscrite au PQI, couvrira «les travaux de maintien» du pont actuel.

Les coûts d'une reconstruction ou d'un éventuel remplacement, partiel ou complet, du pont actuel, ne sont pas inclus dans ces 302,2 millions, qui s'ajoutent aux 123 millions déjà dépensés.

Selon Mme Bensadoun, cette estimation des coûts de maintien a été établie à partir des relevés de dommages réalisés ces dernières années par une petite armée d'ingénieurs et de techniciens qui ont scruté l'ensemble des structures relevant de la responsabilité du MTQ.

Toutes proportions gardées, l'ampleur des travaux de réparation prévus par le MTQ sur le pont Mercier est ainsi comparable aux sommes astronomiques que le gouvernement fédéral devra verser pour assurer la sécurité du pont voisin, le pont Champlain. Un rapport rendu public l'an dernier estimait que le maintien du pont Champlain coûterait entre 400 et 500 millions en travaux de réparation jusqu'à sa mise hors service et à son remplacement par un nouveau pont, en 2018.

Deux époques, deux gouvernements

Le pont Honoré-Mercier relie la municipalité de Châteauguay, en banlieue sud-ouest de la métropole, à l'arrondissement de LaSalle, à Montréal. Tel qu'on le connaît aujourd'hui, l'ancien «pont de Kahnawake» a été construit à deux époques différentes, et sa gestion relève de deux gouvernements différents.

Le pont original, inauguré en 1934, ne comptait que deux voies. Cette partie du pont supporte aujourd'hui le trafic allant de Montréal vers la Rive-Sud. C'est cette structure, la plus ancienne du pont, qui préoccupe le plus les ingénieurs et consultants du MTQ. C'est aussi cette structure qu'on a dû fermer d'urgence en juin 2011, après que des ingénieurs eurent calculé que «la structure n'offrait pas la capacité suffisante» pour garantir la sécurité de ses usagers.

Avec la construction de la Voie maritime du Saint-Laurent, à la fin des années 50, une partie du pont a été surélevée pour garantir la hauteur libre adéquate pour le passage des navires.

Quelques années plus tard, en 1963, le pont a été doublé par la construction d'une nouvelle structure jumelle, sur laquelle se déplace aujourd'hui le trafic vers Montréal, en provenance de la Rive-Sud. De nouvelles voies d'accès ont été construites pour desservir le pont, en banlieue.

Dès lors, une double juridiction s'est appliquée. Les approches de la Rive-Sud et une partie du pont, jusqu'à hauteur de la Voie maritime, tombent sous l'autorité fédérale, tandis que les deux structures jumelles, à partir de Montréal jusqu'à la Voie maritime, relèvent de Québec.

Au milieu des années 2000, les deux gouvernements se sont entendus pour une reconstruction complète du tablier du pont sur leur partie respective de l'ouvrage. C'est au cours des travaux préparatoires à ce projet que les relevés de dommages effectués à la demande du MTQ ont révélé une dégradation beaucoup plus grave qu'anticipée dans la structure d'acier sous le pont.

Urgence

Le 14 juin 2011, en début de soirée, le ministre des Transports du Québec de l'époque, Sam Hamad, décrète sa fermeture immédiate «par souci de sécurité», pour procéder à des travaux de renforcement urgents. La circulation ne sera complètement rétablie que six mois plus tard, juste avant Noël.

Depuis, le pont fait encore régulièrement l'objet de fermetures de week-end, pour poursuivre ces travaux. Un contrat d'accompagnement de huit ans, jusqu'en 2021, a été signé l'an dernier entre le MTQ et un autre consortium d'ingénierie pour la surveillance et le suivi des dommages et des travaux de réparations.

Entre-temps, le gouvernement fédéral poursuit, seul, le projet de remplacement du tablier du pont Mercier, dont la capacité de circulation sera réduite de moitié, à compter d'aujourd'hui, et ce, jusqu'au 11 août prochain.