Quatre jours après le dépôt du projet de loi sur les régimes de retraite, les syndicats ne décolèrent pas. Bien au contraire: la Coalition qui regroupe plus de 65 000 employés municipaux évoque à mots à peine couverts la possibilité de grèves illégales.

Interrogé sur cette possibilité par La Presse, le porte-parole de la Coalition syndicale pour la libre négociation, Marc Ranger, a été direct: «Il n'y a absolument rien qui est exclu.» Les syndicats demandent actuellement des mandats «assez larges pour pouvoir tout inclure», a-t-il annoncé.

«Je pourrais appeler ça un grand 24 heures de mobilisation. Il n'y a pas le mot "grève"là-dedans, mais le résultat peut être le même.»

Le plus important syndicat de la Coalition, qui regroupe quelque 10 000 cols blancs de Montréal, tiendra d'ailleurs une assemblée générale sur ce sujet demain soir. «On est en train de prendre des mandats pour des moyens de pression plus corsés, ça, c'est sûr, précise le porte-parole. On va regarder tout ça. Pour l'instant, on est en mode mobilisation. Au cours des prochaines semaines, à tête reposée, les partenaires de la Coalition, on va regarder toutes nos options.»

Climat «guerrier»

Les employés du secteur municipal redoutent depuis des mois l'imposition de ce qu'ils ont qualifié de «carcan de négociation». Leurs craintes se sont confirmées jeudi dernier avec le dépôt du projet de loi no 3. Syndicats et municipalités auront jusqu'en janvier 2016 pour négocier le partage à parts égales de la facture de leurs régimes de retraite. Ce coût ne pourra représenter plus de 18% de la masse salariale - 20% pour les pompiers et policiers -, devra inclure l'abolition de l'indexation automatique et la constitution d'un fonds de stabilisation. En cas d'échec des négociations, un arbitre devra trancher, sur la base de ce projet de loi.

Selon Marc Ranger, les élus «sous-estiment beaucoup les impacts sur les relations de travail. Le climat va être assez guerrier». Les syndicats hésitent de toute évidence à s'asseoir à une table de négociations où le résultat est prévisible. «On a un problème de conscience, il n'y a plus beaucoup de dégâts à limiter. On sait déjà où ça va atterrir, il n'y a presque plus de marge de manoeuvre. Maintenant qu'ils ont tout ce qu'il faut dans la loi, ils vont dire "Venez vous asseoir". Mais c'est un très mauvais film, on connaît la fin. On ne jouera pas dedans.»

Les maires applaudissent

En matinée, l'Union des municipalités du Québec avait décrit le projet de loi sur les régimes de retraite comme un «coffre à outils nécessaire». «Le nouveau gouvernement a rempli son engagement électoral, estime la présidente de l'UMQ, Suzanne Roy. Il répond aux objectifs que nous souhaitions, qui étaient de protéger les contribuables, les régimes de retraite et les retraités. Ce sont des solutions réalistes, responsables et durables, une invitation claire à s'asseoir et à négocier.»

Entouré de trois collègues, le maire de Montréal, Denis Coderre, a en outre lancé un appel au calme aux employés municipaux. Vendredi dernier, plus de 80 pompiers montréalais ont annoncé leur départ à la retraite en réaction au projet de loi. Ce mot d'ordre ne semble pas avoir été suivi dans d'autres municipalités, selon Mme Roy.

«Je comprends que certains syndicats ont multiplié les appels, notamment les pompiers, a déclaré la maire Coderre. On est capables de se parler, de discuter, mais il y a une obligation de résultat.»

Les maires présents à la conférence de presse ont répété à plusieurs reprises que ces mesures permettraient d'assurer la pérennité des régimes et l'équité intergénérationnelle. Ils ont par ailleurs insisté sur le respect de la «capacité de payer du contribuable». «C'est la même poche qui paie, dit le maire Coderre. Qu'est-ce qu'on est capable de faire pour lui donner un "break"?»

Le président de la Fraternité des policiers, Yves Francoeur, estime que le maire de Montréal «met de l'huile sur le feu» en appuyant le projet de loi 3. «Le maire Coderre devra expliquer comment il veut négocier et imposer en même temps, a-t-il déclaré par communiqué. On ne peut modifier les conditions de travail des 4500 policiers de Montréal et les prestations de retraite des 3800 policiers retraités en pensant que les gens vont dire "merci monsieur".»