Des dizaines de kilomètres d'embouteillage, de possibles pénuries de médicaments, d'immenses dépenses en compensation, la liste des problèmes que pourrait occasionner une fermeture complète du pont Champlain est longue, selon le plan d'urgence des autorités, dont La Presse a obtenu copie.

Une fermeture complète et sans préavis du pont Champlain plongerait la circulation entre Montréal et la Rive-Sud dans un état quasi permanent d'heure de pointe, de 5h du matin à 20h le soir, et entraînerait des embouteillages dignes de pays en voie de développement, a appris La Presse.

Une simulation réalisée par le ministère des Transports du Québec (MTQ), à partir de données de circulation réelles, révèle que des embouteillages pourraient s'étendre sur 180 kilomètres de rues, grands boulevards, routes et autoroutes, où la circulation serait au ralenti, chaque matin, sur les deux rives du Saint-Laurent.

Ces estimations sont théoriques et renvoient à des images d'embouteillages géants comme on en voit en Asie ou en Amérique du Sud. Elles sont aussi limitées, prévient le MTQ, dans la mesure où elles ne tiennent pas compte de changements dans les comportements de dizaines de milliers d'individus, qui choisiraient alors de se déplacer en transports en commun plutôt qu'en automobile.

Elles permettent aussi de comprendre pourquoi le MTQ, l'Agence métropolitaine de transport, des municipalités, des sociétés de transports en commun et de nombreux acteurs du transport des marchandises préparent depuis des mois, en toute discrétion, un «plan de continuité de la mission transport», en cas d'une défaillance du pont Champlain d'ici à son remplacement, en 2018.

Un plan d'ensemble dit «préliminaire» pourrait être soumis aux parties intéressées d'ici juillet, a appris La Presse. Plusieurs dizaines de mesures visant à bonifier les services de transports en commun ou à favoriser la circulation des marchandises sont toujours en cours de validation.

Selon nos informations, une baisse importante des tarifs des transports en commun et une «élimination» du péage sur le pont de l'autoroute 30, entre Salaberry-de-Valleyfield et Vaudreuil-Dorion, font partie des mesures proposées pour diminuer l'impact d'une hypothétique fermeture du pont Champlain.

Atténuer le chaos

Le pont Champlain est un des plus achalandés au Canada. Plus de 150 000 véhicules l'empruntent chaque jour entre Montréal et la Rive-Sud, dont 12 000 camions. Ces camions transportent chaque année des marchandises dont la valeur a été estimée à 20 milliards. C'est une des infrastructures de transport les plus stratégiques de la métropole. Et il tombe en ruine. Le processus menant à son remplacement a été mis en mode accéléré en raison de son état, et un nouveau pont pourrait prendre la relève dès 2018.

Dans l'intervalle, le «plan de continuité» permettra de proposer une série de mesures pouvant être mises en oeuvre rapidement pour atténuer la congestion découlant de la perte totale ou partielle de ce lien stratégique, si une telle situation devait se présenter.

Près de 100 kilomètres de voies réservées aux autobus et au covoiturage pourraient être aménagés sur le réseau routier de la région métropolitaine. Les bus et les covoitureurs auraient préséance sur les conducteurs solos aux approches des autres ponts de la Rive-Sud.

Des milliers de places de stationnement seraient créées dans la couronne pour faciliter l'accès aux circuits d'autobus circulant sur les voies réservées vers Montréal. La plupart de ces mesures ont été révélées par Radio-Canada il y a déjà trois mois.

Certaines d'entre elles sont à l'étude, et pourraient être réalisées même si le pont Champlain ne présente aucune nouvelle défaillance. C'est le cas, par exemple, pour les deux nouvelles gares d'autobus projetées au centre-ville de Montréal par l'Agence métropolitaine de transport.

D'autres n'ont absolument aucune chance de se concrétiser, à moins de circonstances exceptionnelles. Notons, par exemple, la possibilité pour les camions d'emprunter à certaines heures les voies réservées aux autobus et au covoiturage.

C'est aussi le cas pour «l'élimination» du péage sur le pont de l'A30 vers lequel serait déviée une partie du trafic détourné du plan Champlain. Plusieurs intervenants demandent à Québec de suspendre le péage sur l'A30, en cas de situation d'urgence, afin d'inciter un plus grand nombre d'usagers à emprunter cette voie pour accéder à l'île de Montréal.