Pas moins de 80 pompiers ont décidé hier soir de prendre leur retraite pour éviter d'être pénalisés par le dépôt du projet de loi sur les régimes de retraite. Cette vague de départs a pris de court la Ville de Montréal qui a dû fermer temporairement deux casernes.

Des 2550 pompiers en services à Montréal, 450 sont présentement admissibles à une retraite immédiate. Ceux-ci avaient été avisés hier de se tenir prêts à entreprendre leurs démarches de départ à la retraite au cas où le projet de loi les pénaliserait. Et selon la lecture de l'Association des pompiers, un article du texte présenté hier à Québec s'avère justement pénalisant pour les membres qui prennent leur retraite à partir d'aujourd'hui.

L'article 53 indique que les pompiers ayant pris leur retraite en date du dépôt du projet de loi, soit hier, seront considérés comme à la retraite au 31 décembre 2013. Bref, ils s'exposent à perdre seulement l'indexation de leur rente et non davantage, souligne Ronald Martin, président du syndicat.

Le syndicat a évalué que jusqu'à 150 pompiers avaient pu prendre leur retraite. Le maire a précisé en après-midi qu'ils étaient plutôt 80. 29 autres avaient également déjà avisé la Ville depuis le début de l'année de leur départ.

Ces départs subits ont pris de court le service incendie qui a dû jongler avec ses effectifs pour combler les trous dans ses équipes. Les casernes 3 et 16 ont ainsi été fermées temporairement. Elles ont rouvert depuis et aucune autre fermeture n'est prévue.

Sur les 80 pompiers qui ont quitté, 25 étaient des capitaines, 10 des lieutenants et 45 des pompiers de première ligne.

«Ça va avoir un impact au niveau de la perte d'expertise. Ce sont [pour] beaucoup des officiers, capitaines et lieutenants. Ce sont des pompiers d'expérience qui partent et qui seront remplacés par des recrues. Pour maintenir le niveau de service, il va falloir combler par du temps supplémentaire (sic)», dit Ronald Martin.

Appel au calme

Le gouvernement Couillard a lancé un appel au calme, vendredi matin, visiblement surpris d'assister à des départs à la retraite massifs du côté des pompiers de la Ville de Montréal, qui veulent se soustraire ainsi aux dispositions du projet de loi destiné à éponger les déficits actuariels des fonds de retraite municipaux.

«Il faut prendre un certain recul, assumer que tout ça fait partie du jeu de pression et de contre pression, dans un débat semblable. On ne peut laisser 4 milliards de dollars d'impasse dans les fonds de retraite» de soutenir Philippe Couillard faisant le bilan de la session parlementaire.

«Je suis fondamentalement préoccupé par le payeur de taxes municipales qui reçois ça dans sa boîte aux lettres, qui n'a pas de fond de retraite» a-t-il poursuivi. On constate qu'il y a les municipalités et les syndicats à la table de discussion, «il manque quelqu'un» le contribuable, de résumer M. Couillard.

«Je trouve malheureux qu'on pose des gestes précipités, qu'on y aille de déclarations qui ne laissent plus de place qu'à l'escalade», a soutenu de son côté le ministre Pierre Moreau, responsable des Affaires municipales. La veille il avait déposé le projet de loi 3, décrit comme un «hold-up» par la coalition syndicale des employés municipaux réunissant 70 000 syndiqués.

Le geste a clairement surpris et inquiété Pierre Moreau. «Il faut s'asseoir, s'ouvrir grand les yeux, constater que les promesses faites aux retraités ne pourront être tenue si on ne règle pas le problème des déficits» dira M. Moreau, à la sortie de la réunion quotidienne du caucus libéral. «On est dans une société où on doit poser des gestes responsables, s'asseoir et admettre qu'on a créé un déficit actuariel, ce n'est pas le gouvernement qui l'a fait, ce sont les employés et les villes. Je les invite au calme, à l'ouverture, le projet de loi correspond aux engagements de la campagne électorale».

«S'il veut le calme, pourquoi mettre ça dans sa loi? Avant que sa loi soit écrite, on l'avait prévenu du risque», rétorque Ronald Martin. Celui-ci estime que son syndicat était justifié de prévenir ses membres du risque de repousser leur retraite. «On avait le devoir moral de les aviser du danger. Oui, le projet de loi peut être modifié, mais dans l'histoire récente, ce n'est pas arrivé.»

Le projet de loi 3 prévoit que les employés toujours à l'emploi seront privés désormais d'indexation automatique de leur pension, et qu'ils devront consentir des modifications à leurs conditions de travail permettant d'équilibrer les fonds de retraite, déficitaires de 3,9 milliards actuellement. Pour ces employés «actifs», le partage des déficits se fera moitié-moitié avec les villes. Pour ceux qui sont déjà à la retraite, l'indexation sera suspendue, mais la prestation de base, ainsi que celle du conjoint survivant seront maintenues.

La loi fait en sorte qu'il y aura deux ans de discussions, «deux ans pour trouver une solution négociée, il semble que c'est raisonnable!»

De son côté, faisant le bilan de la session parlementaire terminée vendredi, le chef péquiste Stéphane Bédard prévient : «quand on brise des équilibres, il y a des conséquences. Je souhaite que tout le monde fasse face à ses responsabilités, les pompiers aussi». Le chef péquiste affirme être surtout «déçu de la légèreté» avec laquelle Québec a ouvert un débat si important.

À la Fraternité des policiers, on dit ne pas avoir observé de vague de départs à la retraite. Le syndicat indique que son régime n'est pas déficitaire, limitant ainsi l'impact du projet de loi.