Deux femmes en autorité à Montréal ont résisté aux pressions dans le dossier immobilier de Contrecoeur qui a tout de même été marqué par des irrégularités allant jusqu'à une fraude présumée.

L'ancienne directrice du contentieux de la Ville de Montréal, Line Charest, ainsi que la directrice des finances et de l'administration au sein de la Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM), Brigitte Dion, ont toutes deux soulevé les problèmes que présentait la gestion singulière du dossier Contrecoeur. C'est ce que précisent des documents judiciaires en soutien à une demande de perquisition chez l'ancien président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino. Une nouvelle portion de ces documents a été décaviardée, ce matin, par le tribunal à la suite de démarches d'un consortium de médias dont La Presse

Bien que la chronologie des événements et l'implication des différents joueurs (politiciens, fonctionnaires et entrepreneurs, par exemple) ont largement été exposés publiquement, depuis 2008, il ressort du travail des enquêteurs de l'escouade Marteau au sein de l'Unité permanente anticorruption (UPAC) que Mmes Charest et Dion ont refusé d'emprunter la voie que les autorités administratives et politiques souhaitaient. 

Ainsi, la police a mis la main sur une correspondance entre Me Charest (elle est aujourd'hui juge à la Cour municipale de Montréal) et son patron de l'époque, Me Robert Cassius de Linval, directeur des affaires corporatives. Le 26 octobre 2006, Me Charest envoie un courriel concernant un avis juridique défavorable à la fusion envisagée de deux sociétés paramunicipales (SHDM et Société de développement de Montréal). 

Cet avis juridique n'aura jamais été soumis aux membres du comité exécutif. Me Cassius de Linval choisira de faire appel à des avocats externes, Me Jean Hétu et Me Mario Paul-Hus pour obtenir une autre opinion. La fusion aura lieu sans que le gouvernement du Québec ne soit mis au courant alors que cette décision éliminait le contrôle du conseil municipal sur la nouvelle SHDM. 

Deux ans plus tard, le dossier Contrecoeur prend forme. Le directeur général de la SHDM de l'époque, Martial Filion, consent un prêt de 14,6 millions de dollars à l'entrepreneur Paolo Catania à un taux d'intérêt nettement plus bas que normalement (0,5 % plutôt que 2 %). La directrice des finances, Brigitte Dion, prévient Martial Fillion qu'il n'est pas autorisé à agir de la sorte à moins que le conseil d'administration ne l'approuve. 

La police note qu'en avril 2008, M. Fillion octroie trois millions à Catania sans prévenir les administrateurs de la SHDM et ce, pendant les vacances de Mme Dion. Cette dernière est convoquée par son patron à son retour de vacances pour signer un document justifiant le prêt de trois millions de dollars. Elle refuse. 

Six mois plus tard, La Presse révèle le pot aux roses. Ce n'est toutefois qu'en 2009, après une vague de départs et de congédiements que le nouveau directeur général de la SHDM, Guy Hébert, porte plainte à la police. Une enquête est ouverte. Elle conduira à l'arrestation de neuf personnes dont Frank Zampino, Martial Fillion (aujourd'hui décédé) et Paolo Catania. Ces derniers font notamment face à des accusations de complot, d'abus de confiance et de fraude. 

L'identité des sources policières et les informations qui ont été transmises demeurent inaccessibles dans les documents judiciaires.