La famille Patel doit absolument déménager. Il y a près de deux mois, le Directeur de santé publique (DSP) et le service d'inspection de l'arrondissement ont déclaré son logement contaminé par les moisissures et donc inhabitable. Mais faute de trouver un nouveau logis, les Patel sont prisonniers d'un appartement insalubre.

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La famille (dont nous taisons le véritable nom), originaire du Pakistan, compte six enfants âgés de 1 à 15 ans. Au cours de l'hiver, le père et deux de ses enfants ont fait une pneumonie assez grave. « Plusieurs membres de notre famille sont asthmatiques », souligne M. Patel. Rien d'étonnant lorsqu'on lit le rapport du DSP: « Il y a de l'humidité excessive dans le logement, et on soupçonne la présence d'infiltration d'eau venant de la toiture, de l'enveloppe du bâtiment et possiblement de la plomberie, ce qui favorise la prolifération fongique », écrit le Dr Stéphane Perron, qui a analysé les données de l'inspection.

Dans certaines pièces, le détecteur utilisé par les techniciens du DSP a mesuré un taux d'humidité de... 95 %. « Compte tenu de l'ampleur des problèmes de santé en lien avec le logement, nous recommandons que cette famille soit relocalisée d'ici six semaines », dit le rapport, rendu le 19 mars.

Près de deux mois plus tard, les Patel sont toujours dans leur logement. L'humidité y est perceptible dès l'entrée. Les lattes du plancher s'effritent un peu partout. Des plaques de moisissure sont visibles sous les fenêtres, qui sont d'ailleurs embuées en permanence à cause de la condensation. Le gypse des murs est mou au toucher et criblé de trous. La cuisine tombe en ruine. Mais le pire, c'est la salle de bains: l'odeur âcre des moisissures prend à la gorge dès qu'on y pénètre.

MISSION IMPOSSIBLE

Pourquoi les Patel n'ont-ils pas quitté ce taudis? Parce que l'Office municipal d'habitation (OMH) peine à les reloger. « Le problème auquel on fait face dans ce cas, c'est le manque de logements sociaux », explique Catherine Tétreault, intervenante au centre de pédiatrie sociale Au coeur de l'enfance, qui s'occupe du cas. « Il n'y a pas de logement disponible, donc on a remis ça dans les mains de la famille. »

En clair, l'OMH a accepté de verser une subvention aux Patel pour que leur loyer ne dépasse pas 25 % de leur revenu. Mais ils doivent trouver eux-mêmes le logement, et pas n'importe lequel: selon les normes de l'Office municipal d'habitation, il doit compter quatre chambres fermées et ne doit pas coûter plus de 1052 $ par mois.

Trouver un tel logement à Montréal, c'est mission impossible, souligne Catherine Tétreault. « Quand on va dans les sites de petites annonces et qu'on place ces critères-là, il n'y a absolument rien qui sort. Et quand on appelle des propriétaires privés et qu'on mentionne qu'il y a six enfants, la réponse, c'est: on va vous rappeler... »

« Cette famille est au sommet de notre liste de priorités, affirme Caroline Pelletier, porte-parole de l'OMH. Le problème, c'est qu'il n'y a plus de grands logements à prix raisonnable à Montréal. »

Le seul espoir de la famille réside dans un immeuble à Roxboro, dans l'ouest de l'île: l'OMH a conclu une entente avec le propriétaire pour y diriger d'éventuels clients. Le propriétaire serait peut-être prêt à accueillir la famille. « C'est en discussion. On va les reloger, mais ce n'est pas encore fait », dit Caroline Pelletier.