En matière de lutte contre l'agrile du frêne, Montréal est «une ville à deux vitesses» tant les efforts sont inégaux, résume le responsable du dossier au comité exécutif, Réal Ménard.

Un simple coup d'oeil sur la carte de l'île de Montréal faisant le portrait de l'infestation est éloquent: presque la moitié du territoire est en gris pâle, soit les secteurs ayant un «effort de dépistage inconnu ou partiel». La quasi-totalité des villes liées et deux arrondissements montréalais, Verdun et Montréal-Nord, font partie de cette zone où l'on connaît mal l'état des frênes.

La cinquantaine d'élus et de fonctionnaires qui se retrouveront au Planétarium Rio Tinto Alcan, lundi matin, devront manifestement déployer des trésors de persuasion et d'inventivité pour changer cet état de fait.

«Mon objectif est que cette lutte devienne une stratégie d'agglomération [regroupant Montréal et les 15 municipalités de banlieue de l'île], où la ville centre s'occuperait du dépistage, explique en entrevue M. Ménard. L'insecte ne connaît pas les frontières.»

Ce premier objectif ne devrait pas poser problème: le porte-parole des villes liées de l'agglomération dans ce dossier, le maire de Dorval Edgar Rouleau, y adhère sans hésiter. «Il faut trouver une solution pour tout le monde. S'il y en a 10 qui s'en occupent et 10 qui ne font rien, ça ne marchera pas.»

Il nuance cependant le bilan des villes liées en matière de dépistage de l'agrile. «On a fait l'inventaire de nos arbres, plusieurs villes ont fait des démarches. Nous, à Dorval, on a fait du dépistage, on n'a rien trouvé. Mais on est lucides: ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'agriles. Ils ne sont pas passés à côté de Dorval sans s'arrêter...»

Changer les règles

Un des principaux obstacles auxquels se bute Montréal, c'est la «faille réglementaire énorme» qui l'empêche d'intervenir sur les terrains privés, estime Sylvain Ouellet, porte-parole de l'opposition officielle. «La Ville de Montréal ne peut aller par elle-même inspecter un arbre sur un terrain privé, ne peut forcer le propriétaire à l'abattre ou à le traiter, à moins que l'arbre ne soit sur le point de tomber», explique-t-il.

Réal Ménard est d'accord, la réglementation doit être modifiée. «Je ne dis pas qu'on va avoir la réponse définitive: je ne sais pas quelle forme précise ça pourrait avoir.»

Il espère également que les participants au sommet s'entendent sur la formation qui pourrait être offerte. Il ne s'attend pas à boucler la matinée de discussions avec des annonces explosives, par exemple un fonds d'urgence comme le réclame l'opposition. Montréal y a consacré 1,8 million l'an dernier.

«La Ville en fait beaucoup, dans les limites de ses ressources, assure M. Ménard. Il n'y a pas une municipalité qui peut dire qu'elle va mettre toutes les ressources pour éradiquer l'agrile: pour Montréal, ça voudrait dire dépenser 300 ou 400 millions.»

Ce que la Ville a fait

Depuis 2011, alors qu'on a détecté les premiers cas d'infestation, Montréal applique avec un certain succès une méthode de contrôle appelée SLAM (SLowing Ash Mortality). On y investit environ 2 millions de dollars par année. Les efforts de dépistage ont permis de détecter 148 frênes ayant subi un test positif. Cinq zones sont considérées comme en régression, notamment dans les parties sud de Saint-Laurent et de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve. Par contre, le plus récent bilan indique que sept nouveaux arrondissements ont été touchés en 2013.

Pendant ce temps, à Longueuil et à Laval

À Laval, tout un secteur au centre-sud de l'île Jésus, plus précisément à Laval-des-Rapides, est sous surveillance depuis qu'un des pièges installés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments a capturé un spécimen d'agrile du frêne, à l'été 2012. Aucun nouveau cas n'a été signalé depuis. On a tout de même procédé à des traitements préventifs. On prévoit cibler en 2014 plusieurs centaines de frênes publics. À Longueuil, l'insecte a été détecté sur un arbre de l'arrondissement du Vieux-Longueuil en septembre 2012. Depuis 2008, la Ville a cessé de planter des frênes sur le domaine public. Les règlements municipaux interdisent maintenant leur plantation sur les terrains privés.