Pour la première fois depuis son lancement, en 2009, BIXI a ouvert ses livres. La semaine dernière, on a révélé à la cour combien l'aventure avait coûté et quels ont été les revenus et les dépenses. Ces données, pratiquement impossibles à obtenir auparavant, ont été publiées cette semaine sur le site internet du syndic, la firme Richter. Voici cinq clés pour comprendre ce qui a obligé le gestionnaire de BIXI, la Société de vélo en libre-service (SVLS), à se placer sous la protection de la Loi sur la faillite, le 20 janvier dernier.

Revenus records et coûts à la hausse

Avec 63 millions en revenus l'an dernier, le BIXI a rapporté plus que jamais à la SVLS. Pourtant, malgré 5120 vélos dans la région de Montréal et 37 000 dans 17 villes et 2 campus universitaires, le système «est déficitaire depuis son lancement en 2009», note le syndic dans son rapport. C'est que pendant que les revenus gonflaient de 32% depuis la première année complète d'activité, en 2010, les dépenses globales suivaient une courbe semblable, en hausse de 29%. Plus précisément, les frais d'exploitation ont pratiquement doublé, de 5,6 à 10 millions.

170 millions

En cinq ans, les ventes internationales du BIXI ont rapporté la somme faramineuse de 170 millions. Elles ont coûté en même temps 125 millions, essentiellement pour les 37 000 vélos commandés à De Vinci, leurs stations d'ancrage et les logiciels. Pour un organisme à but non lucratif (OBNL) dont les administrateurs étaient bénévoles, il s'agissait d'une aventure financière très risquée. Pas étonnant que l'administration Tremblay ait évoqué une «crise de croissance» en juin 2011 pour justifier un prêt de 37 millions et une garantie de prêt de 60 millions.

L'idée qui a coulé BIXI

En janvier 2011, la SVLS décide de concevoir son propre logiciel, ce qui l'a finalement acculé à la faillite. L'OBNL donne quelques précisions sur les circonstances de cette mauvaise décision: il évoque des «relations tendues entre SVLS et 8D», le désir de maximiser les revenus découlant de la commercialisation et d'offrir un système informatique flexible pour chaque ville, «ce qui n'était pas possible avec le système mis de l'avant par 8D», argue-t-on. Le projet se heurte à «certaines difficultés techniques» qui requièrent d'importantes ressources pendant plusieurs mois et des coûts «beaucoup plus importants que prévu». Le lancement de BIXI à New York, prévu en juillet 2012, est retardé à mars 2013, tandis que Chicago se plaint des cafouillages. Le mécontentement de ces deux importants clients aura des effets néfastes.

757 000$

Paradoxalement, en 2013, avec des pertes de seulement 757 000$, BIXI voyait enfin la lueur au bout du tunnel... quelques semaines avant de déclarer faillite. C'est que les pertes avaient été nettement plus costaudes dans les quatre premières années, atteignant 21,3 millions. Ce bilan somme toute prometteur en 2013 a toutefois été chamboulé par ses clients de New York et Chicago. Insatisfaits du nouveau système informatique de SVLS, les gestionnaires de ces deux villes ont retenu des paiements de 5,4 millions. Le 14 juin dernier, peut-on lire dans les documents de cour, New York a de plus envoyé une mise en demeure à SVLS lui réclamant 10,2 millions.

53 609 000$

Il s'agit du montant exact de la dette de SVLS tel qu'établi par les documents de cour. La Ville de Montréal en détient la plus grande partie, avec 31 250 000$, et a pu utiliser sa garantie pour mettre la main sur des actifs évalués à 11,9 millions. Mais la situation de BIXI à court terme n'est pas désespérée. L'OBNL, en demandant une extension jusqu'au 7 avril pour déposer une offre à ses créanciers, a fait valoir qu'il bénéficiait de «liquidités suffisantes pour continuer ses opérations jusque-là». Au 31 janvier dernier, il disposait de 2,4 millions dans ses caisses pour faire face à ses obligations. Selon un tableau déposé, il devrait rester 838 856$ de cette somme le 11 avril prochain. L'extension du délai a été obtenue la semaine dernière. L'OBNL qui assurera la gestion du volet local de BIXI, au moins pour la saison 2014, devrait être créé d'ici deux semaines, a précisé lundi le maire Denis Coderre.

graphique La Presse

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