Denis Gallant entre en poste ce matin à titre d'inspecteur général de la Ville de Montréal. Après un passage remarqué à la commission Charbonneau, le procureur revêt ses nouveaux habits de chasseur de problèmes de la métropole pour les cinq prochaines années. La Presse l'a rencontré pour une entrevue exclusive.

Tout est à faire et cela réjouit Denis Gallant. Avant même que la loi 73 concernant l'inspecteur général de la Ville de Montréal ne soit adoptée, l'ex-procureur-vedette de la commission Charbonneau s'amène à l'hôtel de ville pour faire échec à la corruption et à la collusion.

En entrevue hier avec La Presse, M. Gallant n'a pas caché sa fébrilité devant le défi qui l'attend. Créer une fonction et y imprimer sa vision des choses l'enchante. Sa détermination semble inébranlable. «Mon but ultime, c'est que Montréal n'ait plus jamais l'air de ce dont elle a eu l'air», dit-il.

Et qu'importe s'il n'a pas tout de suite les pouvoirs que va lui conférer la loi (la contrainte, par exemple). Denis Gallant entend bien amorcer les enquêtes le plus tôt possible. «Selon mon expérience, je sais où aller pour poser des questions. Je vais aller partout», lance-t-il avant de pointer son doigt en direction des principaux services donneurs d'ouvrage. Mais le SPVM, la STM, la SHDM et même le cabinet du maire seront aussi sur son écran radar, prévient-il

L'effet de surprise

Si son travail à la commission Charbonneau se bornait à l'industrie de la construction, celui d'inspecteur général l'amènera à fouiller dans bien d'autres secteurs de la Ville de Montréal comme l'informatique et les services professionnels (avocats, ingénieurs et autres architectes). Et il souligne qu'il n'annoncera pas toujours sa venue; il aime bien l'effet de surprise. Mais il n'est pas question pour autant de «faire des chasses aux sorcières pour faire du spectacle», prévient-il.

Chose certaine, le champ d'action est vaste et M. Gallant ne se met aucune barrière. «Dès que la Ville est dans le décor, dès que vous avez une piastre d'un citoyen qui paie ses taxes municipales, l'inspecteur général a le droit d'y aller», affirme M. Gallant, qui rappellera tout au long de l'entrevue qu'il est indépendant.

Mise sur pied de son équipe

Dans l'immédiat, il s'emploiera surtout à structurer son équipe, qu'il souhaite multidisciplinaire. Des enquêteurs et des spécialistes des affaires municipales, entre autres, l'épauleront. Et il faudra installer ses bureaux. Il les veut modestes; l'argent doit être investi dans les enquêtes, martèle-t-il en rappelant qu'il bénéficie d'un budget annuel de 5 millions.

Et comment la population pourra-t-elle mesurer l'efficacité de son équipe? Le nombre de scandales révélés ou le nombre de contrats freinés seront-ils des indications valables? Il est trop tôt pour l'établir, dit Denis Gallant, qui souligne toutefois que le rapport annuel de ses activités sera rendu public. «Je veux des résultats et il y aura des enquêtes. Mais la loi vise également la prévention et la formation pour donner aux fonctionnaires des façons de détecter la corruption et la collusion», indique-t-il. Et quand il le croira nécessaire, il entend bien parler aux médias: «Je n'ai pas de permissions à demander à personne.»

Au service des citoyens

C'est d'ailleurs avec la même attitude qu'il réagit quand il est question du geste politique du maire Denis Coderre, qui l'a repêché. Denis Gallant ne s'embarrasse pas de ces préoccupations. «Moi, je ne fais pas de politique. Je vais travailler pour les citoyens de Montréal. Ç'a l'air cliché, mais c'est vraiment ça que je veux faire», tranche-t-il, tout en soulignant du même coup qu'il est bien heureux que le maire ait pensé à lui. «Tout s'est passé si vite!» laisse-t-il tomber.

Sur le pas de la porte qui s'ouvre à lui, Denis Gallant avoue avoir un petit pincement au coeur au moment de démissionner comme procureur de la Couronne fédérale. Le criminaliste ferme un chapitre important de sa carrière et plonge maintenant dans la paperasse des contrats municipaux et les dédales d'un l'hôtel de ville secoué depuis plusieurs années par les scandales.

Pour ce qui est de son départ de la commission Charbonneau, il affirme sans ambages sa fierté du travail accompli, «un travail de collégialité». Tenu à la confidentialité, M. Gallant se limite à dire que tous ses dossiers ont été transférés. Hier, il mettait «du scotch tape sur les boîtes», mais il avait aussi le sentiment de poursuivre le travail amorcé. «L'inspecteur général, c'est la continuité de la commission Charbonneau», assure-t-il. Puis d'ajouter: «Jamais on n'a fait face au cynisme de la population. Dans la rue, on nous reconnaît et les gens nous disent merci.»