N'en déplaise à Héritage Montréal, la maison Redpath n'en a plus pour très longtemps. D'ici quelques jours, en principe, l'antique demeure victorienne sera vraiment de l'histoire ancienne.

«Les travaux de démolition commencent cette semaine, prévient le propriétaire du bâtiment, Michael Sochaczevski. La Ville m'a donné mon permis.»

Une cause perdue

M. Sochaczevski n'en démord pas. Malgré ce qu'en disent les défenseurs du patrimoine, la maison Redpath est une cause perdue. Et il ne voit aucun problème à la raser pour faire place à une résidence étudiante, qui comptera 4 étages, 21 chambres et 89 lits.

«Êtes-vous allé la voir? Il n'y a pas de maison! Même les briques ne sont pas réutilisables!», lance M. Sochaczevski.

Cette nouvelle n'a vraiment rien de réjouissant pour l'organisme Héritage Montréal, qui vient de réinscrire l'édifice, âgé de 130 ans, à son palmarès des 10 sites patrimoniaux menacés à Montréal.

Mais son directeur des politiques, Dinu Bumbaru, n'abandonne pas la partie.

Selon lui, seul le ministère de la Culture et des Communications (MCC) peut désormais stopper la démolition du bâtiment avec une injonction.

«Le ministre pourrait intervenir pour suspendre les procédures et ensuite émettre un avis d'intention de classement», avance M. Bumbaru, qui a rencontré le cabinet du ministre Maka Kotto en urgence la semaine dernière.

Son souhait sera-t-il exaucé? Au MCC, on nous a confié hier que Maka Kotto «s'occupait personnellement du dossier» et qu'on en saurait plus dans les prochains jours.

Un joyau patrimonial?

Abandonnée depuis près de 30 ans, la maison Redpath est effectivement dans un état lamentable. M. Bumbaru déplore d'ailleurs que ses propriétaires l'aient laissée pourrir jusqu'au point de non-retour.

Ce n'est pas faute d'avoir voulu, se défend M. Sochaczevski. Mais ses projets, dit-il, se sont heurtés au contexte économique ou à la résistance systématique des organismes patrimoniaux. «Héritage Montréal ne nous a jamais écrit pour nous conseiller ou nous faire des recommandations», dit-il.

M. Sochaczevski affirme en outre ne pas comprendre l'intérêt suscité par cette maison, acquise par sa famille en 1986. «Ça n'a jamais été considéré comme un bâtiment historique. Ni au fédéral, ni au provincial, ni au municipal. La famille Redpath n'a jamais vraiment vécu là. Leur vrai manoir était sur la rue Sherbrooke», argumente-t-il.

Construite en 1886, la maison Redpath est considérée comme un rare témoin de l'architecture Queen Anne à Montréal. Par deux fois (1986 et 2011), Héritage Montréal a réussi à la sauver du pic des démolisseurs. Avec le temps, elle est devenue un symbole du patrimoine en péril à Montréal.

Une demande de classement faite il y a quelques années par Héritage Montréal était restée sans suites. M. Bumbaru vient d'apprendre avec étonnement que le dossier avait été retiré du plan de travail du MCC en 2008. «Il faudra faire le point là-dessus...», croit-il.