La Ville de Montréal emprunte de plus en plus pour payer une partie de ses employés. L'administration Coderre dit vouloir mettre fin à la pratique, ne trouvant pas judicieux de payer des intérêts sur sa masse salariale.

La majorité des 22 400 employés de la métropole sont payés à même le budget courant de la Ville. Mais voilà, les salaires d'un nombre grandissant d'employés sont plutôt inclus dans les projets d'investissements de Montréal, dont les deux tiers sont payés par des emprunts.

Le nombre de ces « postes capitalisés », pour reprendre le jargon de la Ville, a augmenté de 50 % depuis 3 ans seulement. S'ils étaient 611 en 2011, ils sont désormais 915 employés à voir leur salaire comptabilisé dans la dette de la Ville.

Montréal empruntera ainsi 61,5 millions en 2014 pour couvrir les salaires de ces employés. Ces emprunts seront remboursés sur une période de 5 à 20 ans, selon la nature des projets auxquels les employés oeuvrent. Aux taux d'intérêt actuels payés par la Ville, payer ces salaires par emprunts fait grimper la facture d'environ 40 %.

Le bras droit du maire Coderre dit vouloir mettre un terme à cette pratique.

La pratique a pris de l'ampleur au sein de l'appareil municipal au cours des dernières années. Limitée à quelques services en 2011, elle s'est répandue à la vaste majorité des unités administratives de la Ville, selon les données du budget 2014.

Pas moins de 40 % des 740 employés du Service des infrastructures, du transport et de l'environnement, chargé de réparer les rues vieillissantes de Montréal, sont payés par emprunts. À la Commission des services électriques, c'est tout près d'un employé sur deux.

La pratique s'est même répandue au sein des arrondissements. En 2011, seul Mercier - Hochelaga-Maisonneuve payait par emprunts un employé. En 2014, ce sont désormais cinq arrondissements qui recourent à cette pratique, pour un total de 27 employés. À lui seul, Saint-Laurent en compte 13.

Pratique justifiable dans certains cas

Traditionnellement, seuls des cadres, des professionnels et des cols blancs étaient payés par emprunts. Le budget 2014 permet de constater qu'une douzaine de cols bleus et même un policier seront aussi payés par emprunts en 2014.

Payer des employés par des emprunts se justifie, mais cette pratique doit être surveillée de près, dit l'économiste Claude Montmarquette, du CIRANO. Celui-ci explique qu'il peut être judicieux de payer ainsi le salaire d'un employé dont le travail profitera à la population sur une longue période, comme lors de la construction d'un pont ou d'une route. « Ce ne serait pas tout à fait logique de payer comptant ce qu'on va utiliser pendant 20 ans. Vous imposeriez à la génération actuelle le coût d'un service utilisé par les générations futures. »

À l'inverse, l'économiste verrait toutefois un problème à ce que des services rendus au jour le jour soient payés sur une longue période. « S'ils sont payés pour offrir des services courants, il y a un problème. »

« Si on est capable de justifier que ça fait partie du coût du projet, ça va. Mais est-ce qu'on étire l'élastique au point d'ajouter des gens qui sont plus dans la gestion et qu'on les pousse dans le coût du projet ? », s'interroge Claude Beauregard, professeur à la retraite de l'École nationale d'administration publique.

Employés de Montréal payés par emprunts

2014 : 915

2013 : 820

2012 : 721

2011 : 611

Source : Budgets de la Ville de Montréal

Principaux services payant des employés par emprunts 

Infrastructures, transport et environnement : 300

Technologies de l'information : 175

Eau : 134

Qualité de vie : 109

Commission des services électriques : 62

Source : Budgets de la Ville de Montréal