Zéro chantier. Un arrondissement de Montréal dit avoir été incapable de mener un seul projet de rues, aqueducs ou égouts en 2013 en raison des difficultés à trouver des entreprises autorisées à décrocher des contrats publics, a appris La Presse.

Les délais dans les vérifications menées sur les entreprises de construction ont paralysé les travaux de voirie de Rivière-des-Prairies - Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT). L'arrondissement affirme avoir dû suspendre des contrats pour une valeur de 14 millions, soit la totalité de ses chantiers de rues, aqueducs ou égouts qui devaient être réalisés cette année.

Jeudi, les élus de ce secteur de la ville ont dû se résoudre à annuler deux appels d'offres lancés le printemps dernier en raison des longs délais de l'Autorité des marchés financiers à donner le feu vert aux travaux. Le Groupe Hexagone, qui a racheté les entreprises de Tony Accurso, avait remporté en juin le premier contrat tandis que Construction Soter avait raflé le second.

Mais voilà, après six mois d'attente, les deux entreprises n'ont toujours pas reçu leur autorisation de l'AMF pour décrocher des contrats publics. Devant ces longs délais, les élus de RDP-PAT ont donc décidé jeudi d'annuler ces appels d'offres et de reprendre le processus depuis le début. «C'est assez long. Ce sont des travaux sur lesquels on comptait énormément», se désole la mairesse d'arrondissement, Chantal Rouleau.

À l'AMF, on indique que «ces entreprises sont en processus d'autorisation. L'analyse du dossier se poursuit», a indiqué un porte-parole, Sylvain Théberge. 

Les entreprises d'Accurso et Construction Soter ont été montrées du doigt devant la commission Charbonneau pour leur participation à la collusion à Montréal. Le fonctionnaire à la retraite Luc Leclerc a notamment reconnu avoir reçu en cadeau un voyage de golf à Cuba et des pots-de-vin en argent comptant de 5000$ à 10 000$ d'un ancien dirigeant de Construction Soter. En échange, l'ingénieur dit avoir gonflé des extras et offert à l'entreprise un «service cinq étoiles».

Travaux retardés d'un an

Conséquence directe des retards, les travaux qui devaient avoir lieu l'été dernier ne pourront être réalisés avant le printemps prochain. Ce retard de près d'un an est d'autant plus troublant que Montréal accusait déjà un important retard dans l'entretien de ses infrastructures, a souligné à nouveau le vérificateur général de Montréal dans son plus récent rapport.

«C'est dommage, mais c'est un passage obligé pour ouvrir la compétition sur le marché, dit Chantal Rouleau. On voit tranquillement de nouvelles entreprises arriver sur le marché, on voit une nouvelle concurrence. Avant, il y avait vraisemblablement des gens qui contrôlaient le marché.»

RDP-PAT espère rattraper le retard en menant de front l'an prochain les travaux prévus en 2013 en même temps que ceux planifiés pour 2014. Reste toutefois à voir si l'industrie aura la capacité de répondre à la demande, souligne-t-on à l'arrondissement. «Notre stratégie, c'est de retourner le plus vite possible en appel d'offres. On ne veut pas être pris dans un embouteillage», a indiqué Mme Rouleau.

En effet, RDP-PAT n'est pas le seul arrondissement à accuser du retard dans ses travaux en raison des délais des entreprises à obtenir leur autorisation, souligne Mme Rouleau. Il a toutefois été impossible d'obtenir une liste complète des appels d'offres en suspens pour les autres arrondissements et la ville centre. 

Ces problèmes ont d'ailleurs poussé le gouvernement à modifier les règles cet automne pour obliger les soumissionnaires à obtenir leur autorisation de l'AMF avant de prendre part aux appels d'offres.