Même s'il salue l'objectif du projet de loi visant à récupérer les sommes chargées en trop par l'industrie de la construction, le maire de Montréal Denis Coderre s'inquiète du pouvoir «discrétionnaire» que se réserve le gouvernement péquiste.
«J'ai l'impression qu'il faut presque demander aux cinq minutes l'approbation du ministre (...) Je ne pense pas que ça aide la cause», a-t-il lancé mardi en commission parlementaire.
Inverser le fardeau de la preuve
Le projet de loi 61 a deux volets. Le premier: faciliter les poursuites au civil pour récupérer les sommes facturées injustement depuis 15 ans. Québec entreprendrait les poursuites au nom des organismes et municipalités floués. Il y aurait présomption de dommages. Le fardeau de la preuve serait donc inversé. Québec devrait seulement prouver la faute, et non le dommage. On établirait ensuite par règlement un pourcentage de la valeur d'un contrat qu'une entreprise devrait rembourser. En outre, le délai de prescription passerait de trois à cinq ans. Si on a pris connaissance il y a moins de cinq ans de la facture gonflée, on pourrait donc intenter des poursuites.
Le deuxième volet: instaurer un mécanisme pour aider les entreprises volontaires à rembourser les Québécois. D'anciens juges à la retraite et juricomptables administreraient ce mécanisme.
Selon le contentieux de Montréal, il y a eu une surfacturation de 25 à 30% dans les contrats publics. Cette estimation s'appuie sur les travaux de son vérificateur général et de la commission Charbonneau.
Coderre ne veut pas être spectateur
M. Coderre réclame une clause Montréal. Elle se décline en quatre modifications. D'abord, permettre à Montréal d'intenter et régler elle-même des recours. Permettre que ces recours s'appliquent non seulement aux entreprises de construction ou de génie-conseil, mais aussi aux fonctionnaires et aux élus. Par exemple, Montréal a déjà déposé trois griefs et intenté deux recours contre des employés qui ont participé à des stratagèmes pour gonfler la valeur des contrats.
Les deux autres recommandations: éliminer le «rôle discrétionnaire de Québec» dans le partage des sommes lors de règlements. Et éliminer les mesures qui «privent les Montréalais des sommes récupérées».
M. Coderre réfère à l'article 22, qui stipule que les sommes récupérées seront réparties entre Québec et un organisme public ou une municipalité «de la façon déterminée par le gouvernement», avec une «déduction faite d'une somme forfaitaire équivalant à 20 %», pour payer les poursuites et le mécanisme de règlement.
M. Coderre voudrait que tout l'argent revienne à Montréal pour les contrats qui la concernent. Pour payer les frais des poursuites et des règlements, il faudrait récupérer ces sommes auprès des entreprises en leur demandant encore plus d'argent, propose-t-il.
Le projet de loi relègue la Métropole au rôle de spectateur, déplore le maire. «Je ne voudrais pas apprendre par les journaux que quelque chose se passe». Il affirme que la ville et son contentieux sont assez bien outillés pour participer aux poursuites.
Le ministre de la Justice, Bertrand St-Arnaud, a dit «accueillir avec intérêt» ces recommandations.
Projet de loi n°61
Loi visant principalement le recouvrement de sommes payées injustement par des organismes publics relativement à certains contrats dans l'industrie de la construction.