Les engagements du ministre fédéral Denis Lebel de raccourcir de trois ans l'échéancier de réalisation d'un nouveau pont sur le Saint-Laurent ont été accueillis avec réserve par des experts joints hier par La Presse, en raison d'une multitude de contraintes réglementaires qui imposent des délais difficiles à comprimer.

Un ingénieur civil et un ingénieur spécialisé en structure, qui ont requis l'anonymat, ont affirmé que les délais d'approbation environnementale à toutes les étapes du projet, la durée des appels d'offres et des appels de propositions, pour un projet de grande ampleur, ainsi que les travaux d'ingénierie d'avant-projet sont des étapes délicates qui ne peuvent pas être précipitées, sans soulever des risques de dérogation ou de dépassement de coûts.

Dans le cas particulier du nouveau lien qui remplacera le pont Champlain, en 2018, des experts ont aussi cité la présence de glaces sur le Saint-Laurent, ce qui réduit la durée de travaux en eaux profondes de plusieurs mois par année et une approbation obligatoire du projet par la Corporation de gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent qui réglemente tout ce qui surplombe cette route maritime.

Les exigences de gestion des sols contaminés pourraient aussi entraîner des délais lors de la construction des assises du nouveau pont sur les berges montréalaises, qui sont principalement constituées de remblais de déchets domestiques et industriels, accumulés durant près d'un siècle avant la construction de l'autoroute Bonaventure, en 1967.

«Si vous me demandez si c'est possible de le réaliser d'ici cinq ans, je vous dirai que presque tout est possible sur le plan de l'ingénierie, a expliqué un ingénieur civil qui a déjà travaillé sur des projets d'ampleur similaire. Le principal obstacle n'est pas technique. Il est d'ordre réglementaire et environnemental.»

Et le SLR?

Le devancement de l'échéancier par le gouvernement fédéral pourrait aussi rendre l'intégration d'un train SLR beaucoup plus complexe que prévu pour le gouvernement du Québec. La réalisation de ce projet de grande envergure de transports en commun en cinq ans relève de l'impossible.

Selon Claudia Martin, porte-parole de l'Agence métropolitaine de transport, qui est responsable de ce projet, le mandat du Bureau de projet qui produira le dossier d'affaires initial, les plans préliminaires et les études environnementales du projet SLR, va durer au moins jusqu'au printemps 2016. La construction du nouveau pont sera ainsi très avancée avant même que les plans définitifs de ce train léger soient en cours de conception.

La construction des voies ferrées après la mise en exploitation du pont devra alors être réalisée sans entraves à la circulation automobile, qui représente la clientèle payante du pont, exploité par un partenaire privé n'ayant aucun lien avec ce projet de transports collectifs.

Un mandat limité

Par ailleurs, l'enthousiasme suscité par le recrutement d'un architecte de renommée internationale pour la conception du nouveau pont, M. Poul Ove Jensen, s'est aussi quelque peu refroidi, en raison des limites imposées à son mandat.

M. Jensen, directeur du département des ponts pour la prestigieuse firme Dissing" Weitling, de Copenhague, et la firme d'architectes montréalaise Provencher Roy, devront proposer des concepts encadrés par des «directives architecturales» qui seront imposées par un «fournisseur unique» du gouvernement fédéral, la firme ARUP Canada.

Cette firme sera libre de rejeter ou non ces concepts architecturaux s'ils ne cadrent pas dans ses «directives» ou le budget établi pour la réalisation du projet.

Hier, après avoir accordé quelques entrevues en matinée, la firme Provencher Roy et l'architecte Jensen se sont vus imposer le silence par Transport Canada, le maître d'oeuvre du projet. Les demandes d'entrevue de La Presse sont restées sans réponse.





Photo Hugo-Sébastien Aubert, La Presse

Denis Lebel

L'échéancier préliminaire de mars 2013

>Évaluation Environnementale: 2012-2013

>Conception préliminaire et analyse de rentabilité: 2012-2013

>Ingénierie préliminaire et préparation de devis: 2014

>Appel d'offres et attribution du contrat pour le constructeur du pont: 2015-2016

>Plans et devis finaux et construction (par le constructeur du pont): 2016 à 2021

Source: Un nouveau pont pour le Saint-Laurent, Transports Canada