Montréal en fait trop peu pour inciter les lobbyistes à s'inscrire au registre, conclut le Commissaire au lobbyisme. Dans une récente analyse, celui-ci constate que 77 entreprises sont inscrites auprès de Montréal, soit à peine trois de plus qu'à Trois-Rivières... une ville pourtant 13 fois plus petite.

«Non, ça n'est pas normal qu'il y ait si peu de lobbyistes inscrits auprès de la Ville de Montréal», dit un porte-parole au bureau du Commissaire, Daniel Labonté.

Dans une analyse menée cet automne, le Commissaire a comparé le nombre de lobbyistes et de mandats inscrits auprès des 10 plus grandes villes du Québec en fonction de la taille de leur population. Tant par le nombre de lobbyistes et d'entreprises enregistrés que par le nombre de mandats actifs, Trois-Rivières se classe bonne première, tandis que la métropole arrive dernière. «On voit que Montréal arrive dans les bas-fonds. Ça démontre que la préoccupation de la Ville de Montréal n'est pas la même que celle de Trois-Rivières quant au respect de la loi sur le lobbyisme», dit M. Labonté.

Dans le sillage d'une controverse sur les démarches d'un promoteur immobilier en 2012, Trois-Rivières a sérieusement resserré les règles entourant le lobbyisme. Depuis juillet, toute personne souhaitant influencer le travail d'un élu ou d'un employé doit d'abord fournir la preuve qu'il est inscrit au registre des lobbyistes.

À Montréal, les règles invitent simplement les élus et employés à demander à leurs interlocuteurs s'ils sont inscrits au registre quand vient le moment de discuter de l'octroi d'un contrat. Or, au bureau du Commissaire, on souligne que les activités de lobbyisme peuvent également viser un changement de zonage ou une demande de subvention.

Non seulement les règles de Montréal sont inadéquates, mais elles ne semblent tout simplement pas suivies. Le bureau du commissaire souligne que les règles de la métropole prévoient que les élus et les employés doivent l'informer de toute entorse à la loi sur le lobbyisme. Mais voilà, «très peu de situations ont été portées à l'attention du Commissaire. C'est beau, écrire la règle, mais encore faut-il l'appliquer», dit Daniel Labonté.

Invitée à commenter ces constats, la Ville de Montréal répond que «la responsabilité d'appliquer la loi appartient au Commissaire au lobbyisme du Québec et la Direction de l'approvisionnement fait un suivi des obligations». Un porte-parole municipal, Gonzalo Nunez, indique que la Ville offre tout de même des formations sur demande par ses Services juridiques. Il ajoute qu'aucun problème particulier n'a été constaté auprès des employés responsables des achats pour la Ville.

Reste que plusieurs témoins entendus à la commission Charbonneau ont d'ailleurs reconnu avoir fait du lobbyisme auprès d'élus et d'employés de Montréal sans jamais sentir le besoin de s'inscrire au registre. «En y repensant, j'aurais dû le faire», a simplement admis l'ex-directeur général d'Union Montréal, Christian Ouellet, qui a représenté la firme de génie Roche.

Le bureau du Commissaire au lobbyisme souligne que toutes les villes québécoises ont jusqu'au 1er mars pour revoir leur code d'éthique. «C'est peut-être un moment propice pour resserrer tout ça», dit Daniel Labonté.

L'Association québécoise des lobbyistes appuie les démarches du Commissaire pour inciter les gens à s'inscrire au registre. «Si on veut, pour l'intérêt public, que le lobbyisme se fasse de façon transparente, il faut que les gens s'inscrivent», dit son président, Étienne Couture. Celui-ci demande toutefois que les élus et les employés municipaux soient tenus responsables de vérifier que les gens avec qui ils s'entretiennent sont inscrits.

Inscrit au registre des lobbyistes depuis 2008, l'ex-maire de Verdun Georges Bossé dit comprendre la réticence de certains à s'inscrire. Selon lui, le processus d'inscription reste complexe. Il estime également que la loi est parfois mal appliquée par les villes. «Aujourd'hui, avec les scandales sortis depuis deux ou trois ans, les villes ont mis trois ceintures et six bretelles: tu ne peux plus leur parler si tu n'es pas inscrit, même si tu viens juste chercher une information», dit-il.

Technicien pour une firme de génie oeuvrant à Trois-Rivières, Gilles Hébert dit d'ailleurs avoir été surpris quand on lui a demandé de s'inscrire au registre. L'homme assure que son travail ne l'amène pas à influencer les employés avec qui il discute, mais simplement à leur demander quelles sont les exigences de la Ville pour les rues et égouts qu'il dessine pour ses clients promoteurs immobiliers.