Environ 1000 femmes se réuniront à l'UQAM ce week-end pour prendre part aux états généraux du féminisme. Au programme: développement économique, environnement, santé et... laïcité. Entrevue avec Alexa Conradi, présidente de la Fédération des femmes du Québec, une des porte-parole de l'événement.

Q Pourquoi des états généraux?

R La dernière grande rencontre féministe remonte en 1992 lors du Forum Pour un Québec féminin pluriel. Cette fois, pendant deux ans, on a pris le pouls des femmes un peu partout dans la province puis on a lancé un appel à toutes, membres ou pas de la Fédération, pour qu'elles nous proposent des idées d'ateliers pour le Forum. Ce sera donc un événement très diversifié auquel toutes les femmes peuvent participer et au terme duquel on adoptera des orientations pour les années à venir.

Q Vous dites femmes. Les hommes ne sont pas les bienvenus?

R Les hommes étaient invités à participer aux échanges en amont, mais le comité organisateur a décidé que lorsqu'on arriverait au moment décisionnel de la démarche - le Forum - il n'y aurait que des femmes. Je fais un parallèle avec le mouvement étudiant: quand il se réunit, ça se passe entre étudiants. C'est la même chose pour nous. On sait bien que le féminisme doit se faire avec les hommes, mais les décisions qui seront prises durant ce forum appartiennent aux femmes.

Q Plusieurs ateliers aborderont la question de la laïcité et du voile. La Fédération des femmes du Québec s'est déjà prononcée en faveur du voile. Est-ce qu'il y aura de la place pour la dissidence?

R Toutes les opinions sont les bienvenues. Les ateliers vont nous permettre d'aller au fond des choses et de voir ce qui dérange dans ce débat-là. Il est normal que dans un mouvement qui a atteint sa maturité comme le mouvement féministe, il y ait plusieurs courants. Je m'attends à ce que les membres de la Coalition Laïcité Québec soient présentes et qu'on ait de bons échanges. Quant au groupe PDF (Pour le droit des femmes) lancé en septembre dernier, je ne suis pas certaine de savoir qui forme vraiment ce groupe. Est-ce qu'il s'agit des membres de la Coalition? Ce n'est pas clair.

Cela dit, je ne crois pas que la majorité du mouvement féministe québécois va vouloir faire de ce Forum une discussion sur le foulard. On a tellement d'autres sujets à aborder.

Q Quels sont les sujets chauds à l'agenda des féministes québécoises?

R Je m'attends à un virage écologiste au sein du mouvement. Il y a également un intérêt pour la question de la chaîne de production alimentaire. Il y aura aussi des discussions sur le développement économique. Prenons par exemple le Plan Nord qui est basé sur une main-d'oeuvre masculine. Voilà un type de développement qui renforce l'économie basée sur les rôles traditionnels: d'un côté, les salaires élevés pour les hommes, et de l'autre, des femmes qui restent à la maison. Nous allons en parler, ainsi que d'organisation du travail, de santé mentale et de la situation des femmes autochtones. Les sujets seront très variés.

Q On dit que les jeunes femmes hésitent à se dire féministes. Observez-vous une relève au sein du mouvement?

R Quand j'ai commencé à la Fédération en 1992, il n'y avait pas de jeunes. Il y en a beaucoup plus aujourd'hui. Prenez le groupe de jesuisfeministe.com ou, encore, les filles qui ont milité dans le mouvement étudiant durant la grève. Dans les centres de femmes, je dirais qu'au moins un tiers des travailleuses sont âgées de moins de 30 ans. Elles seront là ce week-end. On n'aurait pas pu rassembler près de 1000 femmes s'il n'y avait pas un renouveau.

Q Les étudiantes en médecine de l'Université de Sherbrooke viennent de lancer un calendrier sexy pour amasser des fonds pour leur bal de fin d'études. Cela ne vous décourage pas de voir que certains combats sont toujours à refaire?

R On va justement discuter de la question du corps féminin durant le Forum. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas d'endroit où les femmes peuvent être elles-mêmes sans se sentir obligées d'être des êtres sexués? Ce n'est pas seulement un enjeu individuel à mon avis. Il y a aussi une question d'éducation.