Créer un fonds de compensation dans lequel les entreprises ayant pris part à la collusion à Montréal pourraient rembourser l'argent volé relève du «jovialisme politique», estime le maire Laurent Blanchard. Son administration attend plutôt un avis des avocats de la Ville pour engager des poursuites judiciaires.

Questionné ce matin sur la création d'un fonds de compensation, le maire Laurent Blanchard a émis de sérieuses réserves, précisant que d'importants obstacles rendaient cette solution peu probable. «La question du fonds de compensation nous pose un problème juridique», a-t-il dit, précisant que la Ville ne disposait pas du pouvoir de créer un tel fonds.

Le maire par intérim doute également de l'efficacité d'une telle mesure. «Il est difficile de penser que nous pourrions lever la main et dire aux entreprises, "voici un pot ; déposez votre vol en reconnaissance de ce que vous avez fait." Il y a une forme de jovialisme politique là-dedans. Je ne pense pas que les entreprises vont dire "moi, moi, moi, je veux mettre de l'argent là-dedans". Je pense qu'il nous faut des arguments plus mordants. Le jovialisme se concilie mal avec le juridique.»

Montréal travaillerait plutôt à chiffrer l'argent payé en trop en raison de la collusion afin d'engager des poursuites judiciaires. La tâche, confiée au contrôleur général, est toutefois difficile, a reconnu M. Blanchard. «On peut faire un calcul arithmétique de 30% de 785 millions, mais dans la vraie vie juridique, on ne peut pas se baser sur des allégations pour mettre en place un fonds de remboursement et inviter les entreprises à rembourser. Nous attendons un avis de nos services juridiques pour dire sur quelle base nous pourrions poursuivre.»

La chef de Vision Montréal, Louise Harel, a pressé l'administration hier d'entreprendre des négociations avec les entreprises soupçonnées de collusion, estimant que les recours judiciaires prendraient plus d'une dizaine d'années avant d'aboutir. «Les poursuites judiciaires, ça va simplement enrichir les avocats. Ce n'est pas de ça que les Montréalais ont besoin : ils ont besoin d'être remboursés.»

Louise Harel a également exprimé son malaise sur la gestion de la liste noire de Montréal, interdisant 235 entreprises d'obtenir tout contrat avec la métropole. Elle a souligné que l'entrepreneur Tony Accurso, arrêté à trois reprises depuis deux ans et dont deux entreprises ont été condamnées pour fraude fiscale, y a échappé alors qu'un entrepreneur venu témoigner devant la commission Charbonneau de son refus de prendre part à la collusion y a été inscrit. «Le danger est de donner l'impression qu'on tombe dans l'arbitraire, que ceux qui ont fait des admissions devant la commission Charbonneau sont punis alors que ceux qui refusent d'admettre sont blanchis.»

Laurent Blanchard a reconnu que le changement des règles de la politique de gestion contractuelle ayant mené à la création d'une liste noire avait eu «un effet pervers», mais que celui-ci était limité. «Il y a 2 aberrations sur les 235 inscriptions de la liste de personnes non conformes ; il y en a quand même 233 autres que la politique de gestion contractuelle empêche de faire des affaires avec nous.»