Les écueils s'accumulent à l'usine Atwater. En plus des problèmes qui ont mené à un avis d'ébullition, des travaux jugés «urgents» pour décontaminer une salle infestée de champignons ont été retardés d'un an en raison des difficultés de Montréal à évaluer les coûts du chantier. Et au final, la Ville payera trois fois plus cher que prévu.

«Pour nous, la priorité, c'est que l'usine fonctionne bien, dit Jonathan Abecassis, porte-parole du comité exécutif de la Ville. Il faut qu'on s'assure que les travaux soient faits.»

À l'automne 2010, des employés de l'usine Atwater se plaignent d'être incommodés par la présence de moisissures: maux de tête, toux, irritation des yeux et du nez. Des analyses d'air permettent de découvrir que la salle des valves est infestée de champignons.

Même si toute l'eau potable produite par l'usine transite par cette pièce, la Ville assure que la contamination fongique n'en a jamais affecté la qualité. Les champignons prolifèrent dans l'isolant recouvrant les conduites et n'entrent donc pas directement en contact avec l'eau.

Près de deux ans après la découverte du problème, Montréal a lancé en juin 2012 un appel d'offres pour décontaminer la salle. À l'époque, la Ville évaluait que les travaux coûteraient 218 223$. Mauvaise surprise à l'ouverture des soumissions: la plus basse était près de deux fois plus chère que prévu.

L'entreprise Louisbourg, de l'entrepreneur Tony Accurso, a offert de faire les travaux pour 409 000$. Considérant le prix trop élevé par rapport à l'évaluation, la Ville a décidé d'annuler l'appel d'offres et de tout recommencer.

Avant de lancer un nouvel appel d'offres, Montréal a toutefois demandé à ses estimateurs de refaire leurs calculs. Leur deuxième évaluation était beaucoup plus élevée, dépassant même le prix soumis par Louisbourg lors du premier appel d'offres.

Par «manque d'expérience»

Malgré l'augmentation de l'évaluation, le résultat du deuxième appel d'offres a lui aussi réservé une surprise à la Ville: la plus basse offre était de 16% plus élevée que prévu. Considérant l'importance des travaux, Montréal a tout de même confié il y a deux semaines le contrat à l'entreprise Trempro, pour un montant de 608 000$.

«Nos professionnels ont possiblement sous-évalué, par manque d'expérience, les contraintes reliées aux conditions de travail en espace clos et aux difficultés associées à la réalisation de ce genre de projet», explique la Direction de l'eau potable dans un document envoyé aux élus.

C'est la firme Réal Paul Architecte qui a effectué les deux estimations de coûts. En février 2011, en association avec la firme d'ingénierie Genivar, elle avait obtenu un contrat de 1,1 million pour superviser la réfection de l'usine Atwater. La décontamination de la salle des valves n'était pas mentionnée explicitement dans le contrat. Tout au plus demande-t-on aux deux entreprises d'assurer des «services spéciaux» en cas d'imprévu, causés par un «événement fortuit» ou «des malfaçons».

«Il est évident que l'évaluation aurait pu être mieux faite, admet M. Abecassis. Des contraintes ont été relevées en cours de route, on a dû ajuster les choses.»

La Ville prévoit maintenant que ce chantier doit prendre fin le mois prochain. L'usine Atwater, un complexe de bâtiments dont le plus ancien date de 1910, fait l'objet de rénovations majeures depuis une décennie. La Ville a déjà investi plus de 1 milliard dans la réfection de son réseau d'eau et prévoit dépenser 4,6 milliards dans les prochaines années. C'est dans le cadre de ces travaux qu'une chaîne d'événements qualifiée «d'imprévisibles» a mené le 22 mai dernier à un avis d'ébullition de l'eau d'une ampleur inégalée, qui a touché 1,3 million de Montréalais. Les responsables ont toutefois assuré que cet incident n'avait rien à voir avec la décontamination de la salle des valves.