La «Résistanbul» a désormais rejoint Montréal, où plus d'une centaine de membres de la communauté turque se sont réunis, dimanche après-midi, pour exprimer leur appui à la résistance populaire de la place Taksim, à Istanbul.

L'ambiance était joyeuse: les drapeaux rouges flottaient dans le ciel et les chansons turques animaient le rassemblement. Mais les récriminations des personnes réunies au pied du mont Royal n'étaient pas moins sérieuses pour autant.

«J'ai peur que ça tourne en guerre civile», s'est inquiété Omer Ozen, journaliste pour le média turc Bizim Anadolu (Notre Anatolie). «Les gens s'attendent à ce que le gouvernement calme la population, mais au contraire, il la provoque, et ça crée encore plus de tensions», a-t-il ajouté, en référence à la rhétorique offensive du premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui qualifie notamment les manifestants d'«extrémistes».

Erdogan n'écoute pas le peuple depuis 11 ans, ont ajouté Mirna Olmez et Isil Erding, qui ont quitté leur pays pour le Québec il y a respectivement six et trois ans. «La Turquie n'est plus un pays démocratique», s'est désolée la première. «On est parties parce qu'on a eu peur que notre pays devienne comme l'Iran.»

La résistance à la place Taksim

À quelques milliers de kilomètres de là, Taksim et le petit parc de Gezi, dont la destruction annoncée a lancé la fronde le 31 mai, ont enregistré samedi leur plus forte affluence depuis le début du mouvement, duquel naissent des cellules de résistance un peu partout en Turquie.

«Ce qu'on observe, c'est une réappropriation de l'espace public par des gens qui disent que ce n'est pas au gouvernement ni aux élites politico-économiques de dicter les choses, mais plutôt à nous», a lancé le député de Québec solidaire Amir Khadir, sur place pour soutenir la cause. «Les gens veulent seulement être écoutés», a enchaîné Omer Ozen. Comme plusieurs manifestants, il a dénoncé le contrôle des médias par le gouvernement Erdogan. «La télévision internationale montre ce qui se passe en Turquie, mais les Turcs, eux, ne le voient même pas», a-t-il observé.

L'espace médiatique est devenu un enjeu vital dans l'affrontement entre Erdogan et la population turque. Le premier ministre a multiplié dimanche les discours télévisés devant des foules de partisans réunis par son parti, justement pour s'assurer une présence maximale dans les médias.

- Avec l'Agence France-Presse