D'ici cinq ans, le mont Royal perdra quelques illustres occupants. Le déménagement du Royal Victoria, de l'Hôtel-Dieu et des Shriners, notamment, libérera près de 200 000 m2 aux flancs de la montagne, «l'équivalent de la Place Ville-Marie».

Trouver de nouvelles vocations à ces institutions, «c'est gros, c'est complexe, et ça va être difficile», résume Marcel Côté, membre du conseil d'administration des Amis de la montagne et un des conférenciers-vedettes invités vendredi au Sommet du Mont-Royal 2013.

Onze ans après le premier Sommet du mont Royal, quelque 150 intervenants se sont penchés au chevet de la montagne emblématique de Montréal. Ces édifices institutionnels deviendront-ils des immeubles de condos de prestige, resteront-ils publics, seront-ils complètement rénovés?

M. Côté évalue notamment que la réfection des infrastructures du «Royal Vic» coûterait à elle seule 200 millions.

«Très tard» pour une réflexion

Un consensus clair s'est établi autour de la nécessité de laisser un accès public à ces bâtiments patrimoniaux. «Il y a des solutions à notre portée, ce ne sont pas les utilisations potentielles qui manquent, estime Nancy Neamtam, présidente-directrice générale du Chantier d'économie sociale. La solution la plus facile serait de maintenir la fonction publique avec des investissements publics.»

Il faut cependant «sortir de la réflexion binaire, tout au privé, tout au public», précise-t-elle. Elle estime que la réflexion sur le sort de ces édifices «arrive très tard».

Fait rassurant, souligné lors de ce sommet, les nouveaux propriétaires de ces édifices devront faire face à une batterie de règlements et de processus de consultation. Depuis l'adoption du Plan d'urbanisme en 2004, et celle du Plan de protection et de mise en valeur du Mont-Royal en 2009, les règles sont plutôt contraignantes.

Essentiellement, «aucun changement d'usage ni aucune autre construction ne sont permis sans modification du plan d'urbanisme», a-t-il indiqué. Aucune modification ne peut en outre être faite sans planification concertée préalable.

Enfin, aucune planification ne peut aller de l'avant sans évaluation de l'intérêt patrimonial.

Évalué à 177 millions, mais nécessitant des réfections totalisant quelque 200 millions, le «Royal Vic» est la plus importante des institutions qui vont quitter le mont Royal dans les prochaines années.

Les travaux nécessaires sont nombreux, à commencer par le désamiantage et la réfection de la toiture en cuivre. Sa démolition est pratiquement impossible, compte tenu de sa valeur patrimoniale, avec son architecture inspirée du style seigneurial écossais.

«Il s'illustre par sa contribution remarquable au paysage, indique Élaine M. Gauthier, conseillère en aménagement à la Ville de Montréal. Pour l'histoire de Montréal, il représente une oeuvre philanthropique et caritative majeure.»

L'Université McGill a montré de l'intérêt à l'acquérir, mais aura besoin de l'aide de Québec pour la réfection.

1- L'Université de Montréal

(25 bâtiments)

Bâtiment libéré: 1420, boul. Mont-Royal, 19 400 mètres carrés.

Construit en 1924, propriété de la Congrégation des soeurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie jusqu'en 2003.

Acquis par l'Université de Montréal.

2- L'Hôtel-Dieu

(5 bâtiments)

Construit en 1859. Total de 69 932 mètres carrés.

Acquis par le Centre hospitalier universitaire de l'Université de Montréal en 1996. Sera fermé dans le cadre du déménagement du CHUM au centre-ville.

3- Hôpital Royal Victoria

(14 pavillons)

Construit en 1863. 14 bâtiments totalisant 122 075 mètres carrés, qui seront libérés à partir de 2015. Les activités médicales seront déménagées au site Glen du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

4- Hôpital Shriners pour enfants de Montréal

(un bâtiment plus garage)

Construit en 1925.

Superficie: 8268 mètres carrés.

Sera réinstallé au site Glen du CUSM.

Extraits des interventions au Sommet du mont Royal 2013

«Quand les règles du jeu sont claires, on arrive toujours à enligner tout le monde derrière elles, y compris les promoteurs. Il s'agit de trouver le bon équilibre.»

- Aurèle Cardinal, architecte et urbaniste

«On ne parle pas que de vue. Il faut passer au XXIe siècle et parler de «présence emblématique», qui devrait être enchâssée comme la mission de toute notre action.»

- Dinu Bumbaru, Héritage Montréal

«Le mont Royal, c'est une volonté affirmée de l'appel de l'esthétique. Lui et les institutions qui l'entourent sont des références esthétiques. Il s'agit de le protéger, mais ce n'est pas suffisant, il faut aller au-delà.»

- Pierre Marc Johnson, ancien premier ministre du Québec