La Ville de Laval dit avoir consulté la population pour adopter le règlement L-2001-2843, sur lequel elle s'est appuyée pour accepter un plus grand nombre d'étages. Or, deux citoyens présents à l'assemblée de consultation de mars 2004 affirment qu'il n'a jamais été question de hauteur.

Yvon Tremblay, qui réside dans un immeuble voisin, est catégorique. «Il n'a jamais été question d'un changement de zonage, ni du nombre d'étages. Le seul sujet, c'était l'enfouissement des fils électriques», a dit M. Tremblay. Selon lui, ce sont des citoyens qui ont demandé une réunion à la Ville, et non l'inverse.

Même son de cloche d'Évangéline Thériault, dont le nom figure aussi dans le procès-verbal de la réunion. «Non, ils n'ont pas parlé de zonage pour faire 14 étages, pas du tout. On n'a jamais donné notre accord pour ça. On a seulement parlé des fils électriques», a essentiellement expliqué Mme Thériault.

Le procès-verbal de cette assemblée, que nous avons obtenu, tient sur une demi-page. L'assemblée était présidée par Basile Angelopoulos, président du conseil municipal de la Ville, indique le document. M. Angelopoulos n'a pas répondu aux demandes d'entretien répétées de La Presse.

Étonnamment, non seulement n'est-il pas question de hauteur dans le procès-verbal de la réunion du 25 mars 2004, mais on n'y fait aucunement référence à un quelconque Plan d'implantation et d'intégration architecturale (PIIA), au coeur du règlement L-2001-2843.

Pourtant, le service d'urbanisme de la Ville savait depuis le 24 février 2004, soit un mois plus tôt, que le projet ferait plus de huit étages et nécessiterait un changement de zonage, indique un document déposé en Cour supérieure. De fait, ce projet de février 2004 faisait 10 étages.

L'administration Vaillancourt a finalement publié un avis dans le Courrier Laval du 12 septembre 2004 pour aviser la population de l'adoption du règlement L-2001-2843. Encore une fois, nulle part il n'est question de hauteur.

L'avis précise que le règlement peut faire l'objet d'un référendum. Mais à lire l'avis, les citoyens peuvent réclamer un référendum pour la seule question du stationnement, de l'enfouissement des fils électriques ou du PIIA. L'un des 15 critères de ce PIIA, non mentionné dans l'avis, est «d'harmoniser la hauteur du bâtiment à celle des bâtiments voisins de manière à créer une ligne d'horizon régulière».

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Les citoyens pourraient exiger la démolition de la tour

Les citoyens sont en droit d'exiger la démolition de la tour de 14 étages de la rue des Cageux en vertu la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, selon trois avocats consultés par La Presse.

L'article 227 de cette loi prévoit en effet que «la Cour supérieure peut ordonner la cessation d'une utilisation du sol ou d'une construction incompatible avec un règlement de zonage». La demande de démolition peut être faite par toute partie intéressée, précise l'article 227.

Selon l'avocat Pierre-Yves Trudel, spécialisé dans le domaine, un immeuble construit à l'encontre des règlements d'urbanisme ne peut jamais devenir conforme à la loi par le simple passage du temps. «C'est imprescriptible, dit-il. La démolition est toujours disponible, mais le juge peut avoir une discrétion à cet égard. La discrétion peut être fonction du nombre d'années depuis quand l'immeuble a été construit. L'année de construction de la tour [2008-2010] est toutefois plutôt récente.»

Pour empêcher la démolition, la Ville pourrait modifier le zonage rétroactivement, mais encore une fois, il s'agirait d'un zonage pour un lot spécifique (spot zoning), considéré comme illégal par les avocats. Et même en supposant que cette procédure soit légale, la Loi prévoit que les voisins peuvent bloquer le changement par référendum.

Une telle demande de démolition ne serait pas une première. Au début des années 1970, les tribunaux ont exigé la démolition d'un immeuble de 229 logements à Hull, parce que le promoteur, les Entreprises Dasken, ne respectait pas la réglementation municipale. La Ville de Hull a demandé au gouvernement de Robert Bourassa d'adopter une loi spéciale pour contourner un jugement de la Cour suprême, mais la demande lui a été refusée, notamment après des pressions du Barreau du Québec. L'immeuble a donc été démoli.

Dans le cas du 4500, rue des Cageux, à Laval, les citoyens devraient démontrer que l'immeuble ne respecte pas le règlement L-2001-2843 ou encore que ce règlement ne respecte pas la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, ont expliqué des avocats consultés par La Presse.