Si le nombre de piétons morts à la suite d'une collision avec une voiture n'a pas augmenté en 2012, comparativement aux années antérieures, le nombre de constats d'infraction remis aux marcheurs imprudents a explosé. Selon des informations obtenues par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a remis 18 962 constats aux piétons l'an dernier, une augmentation de plus de 100% depuis 2007.

«Il est vrai que l'on porte une attention particulière aux piétons et aux cyclistes depuis quelque temps. Au fil des ans, on a vu le parc automobile grandir, le nombre de cyclistes également, mais on n'a pas agrandi nos routes. C'est toujours plus de personnes qui se partagent le même espace. Si la signalisation n'est pas respectée, il y aura plus d'accidents», explique André Durocher, inspecteur de la Division de la sécurité routière et de la circulation du SPVM.

L'application du Code de la sécurité routière peut toutefois différer d'un policier à un autre, et la signalisation pour les piétons est souvent absente, déplore Alain Doucine, qui habite au centre-ville depuis plus de 25 ans.

«J'étais au coin des rues Sainte-Catherine et Stanley lorsque la police m'a interpellé. Je traversais Sainte-Catherine, alors que la lumière était toujours au rouge, mais tournait au jaune sur Stanley. À ce coin, il n'y a pas de signalisation pour les piétons. Si j'attends que la lumière tourne au vert, je suis en compétition avec les voitures qui forcent le passage. Je pensais à ma vie en traversant, je n'étais pas imprudent», explique-t-il.

«Depuis les derniers mois, c'est devenu une épidémie. Je vais contester mon amende, mais il faut être courageux pour le faire pour seulement une quarantaine de dollars. Le juge sera payé, le policier qui se déplace sera aussi payé. Mais moi, je perds de mon temps pour m'y rendre. Il faut dénoncer que les règlements ne sont pas appliqués de façon uniforme», dit M. Doucine.

En 2006, 133 policiers ont été embauchés pour travailler exclusivement à la sécurité routière. Depuis l'an dernier, ils ont divisé le territoire montréalais pour couvrir l'ensemble des rues commerciales et des artères achalandées, où les infractions sont nombreuses.

Malgré l'augmentation marquée des constats remis aux piétons depuis 2007, le nombre de morts ou de personnes blessées grièvement demeure stable, ou diminue peu. En 2007, 128 piétons ont été blessés grièvement dans un accident impliquant une voiture. Ce nombre est descendu à seulement 78 l'année suivante, pour remonter à 110 en 2012.

Changer les mentalités

«Il faut changer les mentalités. J'ai travaillé pendant des années comme patrouilleur à Ottawa. Là-bas, j'ai déjà vu un piéton qui s'était fait heurter, qui était blessé, recevoir un constat sur sa civière. À Montréal, quand des patrouilleurs de l'Ouest-de-l'Île ont fait la même chose, j'ai dû expliquer aux gens qui nous traitaient de sans-coeur qu'il fallait aussi penser à l'automobiliste qui avait dû s'absenter de son travail pendant plusieurs semaines pour traiter son choc nerveux. Il y a deux côtés à la médaille», explique-t-il.

«En vous parlant, je vois un jeune homme depuis mon bureau qui traverse la rue. Il a des écouteurs, regarde son téléphone intelligent. Il sait peut-être ce qui se passe à Hong Kong, mais il ignore totalement qu'il y a un camion à quelques mètres de lui qui pourrait le heurter. Un moment donné, il faut arrêter d'avertir et agir. C'est pourquoi on donne plus de constats», conclut l'inspecteur Durocher.