17 h 40, coin Maisonneuve et Aylmer. Jamal Smaidi se tient derrière les vitrines de son restaurant, Dhalia's. Les bras croisés et le regard alerte, il observe les manifestants qui courent sur le trottoir. Jamal n'est pas inquiet, mais il est prêt.

«Les policiers m'ont averti de fermer à clé si ça brassait trop», dit-il. Dans son restaurant, un seul client lit son journal. Serge Laleyan, qui possède le stationnement voisin, entre. Même s'ils ne feront pas beaucoup d'argent ce soir, pas question de fermer. «Avec le printemps dernier, même si on fait juste 1$ ce soir, on va le prendre! », dit-il.

Plus bas sur St-Catherine, à l'intérieur de la boutique Emmanuel, même regard alerte. Uriel Isaak hésite à fermer à clé. La foule s'est immobilisée au coin de la rue. Une dizaine de policiers à cheval passent devant la boutique, des détonations se font en entendre.

«Je vais fermer pour une heure, soupire-t-il. J'en profiterai pour aller manger.» Sur ces paroles, trois manifestantes vêtues de noir font irruption.

«Ça brasse un peu, dit l'une d'elle. On va attendre ici». Uriel se précipite et verrouille la porte. Mais les jeunes femmes ont laissé une amie à l'extérieur et après trois minutes, elles repartent.

«C'est pire quand c'est pour le hockey, dit-il. Il y a des commerçants qui baissent les grilles et restent à l'intérieur avec des bâtons de baseball, les soirs d'émeutes».

La foule s'éloigne. Mais le mal est fait. «Les clients seront rares ce soir», lâche-t-il sans perdre de vue la foule.

Devant le Future Shop deux agents de sécurité sont postés devant la porte. La semaine dernière, une de leurs vitrines a été fracassée pendant la manifestation étudiante. Vendredi soir, c'est le bureau de change juste en face a écopé et doit maintenant remplacer une de ses vitrines.

Du côté de la rue Crescent, les commerçants s'étaient aussi préparés. L'Association des Marchands de la Rue Crescent a mis en place son plan d'action qu'elle réserve pour les situations particulières comme le week-end du Grand Prix.

Steve Siozos coprésident de l'association ne souhaite pas révéler leur stratégie en matière de sécurité, mais il confirme qu'il travaille de près avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). «Si quelque chose arrive à un bar, tous les autres vont l'aider», dit-il sans vouloir entrer dans les détails.

Vendredi soir, plusieurs bureaux de la rue avaient fermé plus tôt. Quant aux bars et restaurants, ils ont réduit leur personnel. «C'est tranquille comme un lundi ou un mardi», indique M. Sozios. Même si la manifestation ne s'est pas rendue jusqu'à la rue Crescent, les gens qui ont suivi l'actualité ont évité de se rendre au centre-ville.

Les commerçants ne craignent pas tant les casseurs, mais plutôt les manifestants qui se réfugient dans un endroit suivi des policiers. En mai 2012, une intervention policière avait dégénéré lorsque le SPVM était intervenu au bar Le Saint-Bock au cours d'une manifestation étudiante. Outre les dommages matériels, de nombreux clients étaient partis sans payer, dans la panique. 

Les commerçants de la rue Crescent espèrent maintenant se rattraper avec la Saint-Patrick ce dimanche. Quant à ceux de la rue Sainte-Catherine, ils retiennent leur souffle : le Canadien de Montréal est bien placé pour faire les séries.