Ce n'est pas l'accablant témoignage de Martin Dumont qui a convaincu Gérald Tremblay de passer la main et de démissionner de son poste de maire de Montréal. Assiégé depuis des mois, M. Tremblay a fait le constat qu'il ne pouvait pas continuer quand il a vu que le gouvernement Marois l'avait « laissé tomber ».

C'est ce qu'a indiqué sans détour M. Tremblay, a appris La Presse, quand les enquêteurs de la commission Charbonneau sont allés le rencontrer, à la mi-décembre, plus d'un mois après qu'il eut quitté la barre à l'hôtel de ville. C'était la deuxième rencontre - la première avait eu lieu après le témoignage de Martin Dumont, le 30 octobre, mais ce premier contact n'avait rien apporté de concluant.

M. Tremblay a d'ailleurs repris cette explication avec de proches conseillers joints dans la période des Fêtes. « Au-delà de Martin Dumont... quand le gouvernement du Québec a décidé de me laisser tomber, comment aurais-je pu continuer? », a soutenu Gérald Tremblay, selon les confidences d'un de ses anciens lieutenants.

Dans les dernières semaines, la crédibilité de Martin Dumont, jeune organisateur pour le parti du maire Tremblay, a été mise à rude épreuve. Son témoignage public, indique-t-on dans les coulisses, débordait largement les déclarations qu'il avait faites aux procureurs de la Commission lors de la préparation des audiences. Lors de sa comparution, les procureurs n'avaient pas mis en doute les révélations percutantes de M. Dumont, cependant. On compte le rappeler promptement devant la juge Charbonneau, mais il a demandé, par l'entremise de son avocat, à ne comparaître qu'après le 14 février, pour des raisons de santé.

Le coup fatal ?

Dans son témoignage, M. Dumont avait paru porter le coup fatal au maire Tremblay lorsqu'il a raconté une réunion en marge d'une élection partielle dans l'arrondissement de Saint-Laurent, en décembre 2004. En présence du maire et de M. Dumont, l'agent officiel du parti, Marc Deschamps aurait fait une distinction entre le budget « officiel » de la campagne et un autre officieux. « Gérald Tremblay s'est levé et a dit en quittant la salle: "Je n'ai pas à savoir ça" », a soutenu M. Dumont dans son témoignage. Tant M. Tremblay que M. Deschamps ont nié l'affaire.

Dans les heures qui ont suivi, les ténors du gouvernement Marois, la première ministre en tête, ont pris leurs distances du maire assiégé, tout en reconnaissant qu'il aurait dû être entendu par la juge Charbonneau. Mme Marois a soutenu que M. Tremblay devait « réfléchir à la possibilité de prendre un temps d'arrêt ». Elle a promis de le lui dire directement au cours d'un entretien et ajouté que des allégations comme celles entendues à la commission Charbonneau faisaient en sorte qu'un maire « perd la capacité d'exercer son autorité ». C'est un verdict sans appel quand on se souvient que les villes sont des créatures du gouvernement provincial - leurs chartes sont adoptées à l'Assemblée nationale - et que le maire tient son autorité du gouvernement du Québec.

Le maire a alors annoncé qu'il prenait quelques jours de repos et annulé le discours qu'il devait faire la semaine suivante devant la chambre de commerce de Montréal. Le gouvernement Marois a alors donné un tour de vis supplémentaire. Sylvain Gaudreault, ministre des Affaires municipales, a applaudi: « Je salue cette décision comme je l'avais fait dans le cas du maire Vaillancourt » a-t-il dit - le maire de Laval s'était retiré, lui aussi temporairement, après avoir été, lui, la cible de plusieurs perquisitions policières. Selon M. Gaudreault, les révélations touchant l'administration Tremblay étaient tout simplement « hallucinantes ».

Jean-François Lisée, ministre responsable des dossiers montréalais, a renchéri: « Nous avons demandé depuis plusieurs jours au maire de Montréal de réfléchir... c'est ce qu'il fait. » Plus tôt, toujours dans la foulée du témoignage de Martin Dumont, il avait soutenu que le statu quo était « intolérable ».

Une fois la démission annoncée, Mme Marois a parlé d'une « sage décision dans les circonstances » et Jean-François Lisée a soutenu que, qu'il ait été ou non au courant des irrégularités dans son parti, le maire « ne pouvait plus gérer la Ville avec sérénité et de façon ordonnée ».