Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre un acteur de l'actualité et lui pose 10 questions liées à la couverture dont il a été l'objet. La 11e question vient du public. Cette semaine, notre journaliste rencontre Louise Harel, chef du parti Vision Montréal, opposition officielle à la mairie de Montréal.

1 Pourquoi demandez-vous la démission du maire de Montréal ?

Parce qu'il est le premier magistrat de la Ville, qu'il a un devoir de transparence et de gestion responsable compte tenu des devoirs de sa charge et parce que ses hommes de confiance les plus proches l'ex-président du comité exécutif Frank Zampino, son ex-chef de cabinet Martial Filion et l'exdirecteur de financement de son parti, Bernard Trépanier ont tous été arrêtés et accusés au criminel. Et c'est sans compter toutes les autres allégations. Dans la vie publique, quand on accepte une charge publique, il y a des devoirs qui y sont associés. Il ne peut pas continuer à jouer à Ponce Pilate.

2 Croyez-vous M. Tremblay quand il affirme qu'il n'était au courant de rien?

C'est certain que c'est de l'aveuglement volontaire. Il est là depuis plus d'une décennie. Dans les dernières années, il a refusé tout ce qu'on a proposé pour améliorer la situation la nomination d'un commissaire à l'éthique doté de pouvoirs d'enquête et de sanctions comme à Toronto, par exemple. De plus, il a transféré la ligne éthique, qui permettait aux employés de dénoncer des situations douteuses, du bureau du vérificateur général au bureau du contrôleur, Pierre Reid, qui a été lui-même accusé d'écoute électronique (la cause est devant les tribunaux, NDLR). Il a également refusé que le SPVM soit mis à contribution à la commission sur l'attribution des contrats afin de vérifier les entreprises à numéro. Il ne pouvait pas ne pas le savoir, c'est de l'aveuglement volontaire ou du déni, ou sinon il a refusé de savoir.

3 Vous avez été ministre des Affaires municipales durant plusieurs années. Ce qu'on entend à la commission Charbonneau vous surprend-il vraiment ?

Oui. Chaque jour, j'ai l'impression que c'est une sorte de cours 101 sur la collusion et la corruption. Je crois que ça devait être embryonnaire, mais ce n'était pas de l'ampleur de ce que c'est devenu, de haut en bas. Quand j'étais ministre, il y avait des problèmes d'élections « clé en main » avec les firmes d'ingénieurs et d'avocats, et nous avions resserré les règles d'attribution des contrats pour les firmes professionnelles.

4 Que feriez-vous si vous étiez maire de Montréal aujourd'hui ?

Je nommerais un commissaire à l'éthique doté de pouvoirs d'enquête et de sanctions auprès des fonctionnaires, des fournisseurs et des élus. Je remettrais la ligne éthique au bureau du Vérificateur général. J'élargirais le mandat de la commission sur l'attribution des contrats pour qu'elle vérifie aussi les contrats d'arrondissement et je lui permettrais d'examiner tous les contrats de manière aléatoire. Je doterais le SPVM de logiciels très puissants, comme ceux qu'on trouve en Italie, pour détecter tout mouvement de collusion. Enfin, je recommanderais au gouvernement d'adopter des mécanismes d'attribution des contrats basés sur le prix médian plutôt que sur la soumission la plus basse.

5 Le parti que vous dirigez, Vision Montréal, n'est pas blanc comme neige. Vous avez reconnu des infractions et vous avez fait équipe avec Benoit Labonté avant d'apprendre qu'il avait des liens avec l'homme d'affaires Tony Accurso. Pourquoi les électeurs devraient-ils vous faire plus confiance ?

Parce que je pense que ma vie publique depuis 30 ans plaide pour mon entière intégrité. J'ai été responsable de dossiers très importants. J'ai commencé par introduire les négociations sectorielles dans le secteur de la construction, un milieu où il n'y avait pas de femmes. L'infraction à laquelle vous faites référence est une garantie de prêt pour financer de petits fournisseurs. Quand j'ai réalisé mon erreur, j'ai moimême communiqué avec le DGEQ. Je considère tout ça comme bien véniel en regard de ce qui se passe actuellement.

6 Quand Vision Montréal organise des activités de financement comme des cocktails, par exemple, comment faites-vous pour vous assurer que tout se déroule dans la légalité la plus complète ?

Depuis que je suis arrivée, on a fait du grand ménage. Une des grandes difficultés avec les élections à date fixe, c'est que le parti du maire dépense beaucoup d'argent avant le déclenchement des élections. À ce sujet, je me suis rendue en commission parlementaire à Québec pour plaider en faveur de changements majeurs. Il faudrait pouvoir étendre la période de calcul des dépenses jusqu'au mois de janvier afin de prévenir ce genre de comportement. Ensuite, il faudrait avoir une liste d'électeurs renouvelée chaque année, comme à Québec, plutôt que tous les quatre ans.

7 Avec toutes ces révélations, on finit par se demander s'il est possible de faire de la politique proprement. Qu'en pensez-vous ?

Je suis convaincue que oui, mais il faut que les citoyens comprennent que la démocratie a un prix. Le financement populaire introduit par René Lévesque a modifié la classe politique, il a ouvert

la porte à plus de femmes et de jeunes qui n'étaient pas obligés d'entretenir des réseaux d'affaires pour se lancer en politique. Mais il faut que les citoyens acceptent de contribuer euxmêmes à un financement populaire et démocratique.

8 Le chroniqueur municipal Henry Aubin propose de cesser de financer les partis inutiles en politique municipale, selon lui et de financer plutôt les individus qui souhaitent se présenter. Qu'en pensez-vous ?

À Toronto, on assiste au mouvement inverse. Il y a une forte demande de la part des citoyens pour des partis municipaux. Le problème c'est que, en l'absence de partis, cest l'administration municipale qui prend le dessus. Or, une administration a le pouvoir de freiner des projets, alors que des élus, eux, poussent pour des projets. Devant des élus dispersés qui ne sont pas mobilisés sous la même bannière, l'administration se retrouve avec le gros bout du bâton. Les partis permettent un certain équilibre.

9 Quelle autre mesure pourrait-on adopter pour décourager les tentations de corruption?

Il faut introduire la possibilité de destitution et de sanction, ce qui n'existe pas au municipal. C'est possible devant un juge, après un procès, mais il faudrait penser à mettre en place quelque chose de permanent à la manière de la commission d'enquête administrative Duchesneau au ministère des Transports, par exemple. Il faut qu'il y ait des gardiens permanents qui surveillent.

10 Comptez-vous vous présenter à la mairie de Montréal en 2013 ?

Je suis prête à servir et je crois que j'ai encore beaucoup à offrir, notamment avec l'expérience que j'ai acquise au cours des dernières années. Il y a de grands défis à relever à Montréal, en commençant par le chômage et la désindustrialisation.

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Joseph Latrémouille (@zef999 sur Twitter)

Pourquoi ne pas vous unir au parti de Richard Bergeron une fois pour toutes?

L'an dernier, au congrès de Vision Montréal, j'ai ouvert la porte et elle m'a été fermée rapidement sur les doigts. M. Bergeron est d'abord candidat à la mairie et il dit être le seul sur les rangs. Moi, je suis chef de l'opposition et je crois que Montréal a besoin d'une opposition forte et ferme. Je réitère donc que je suis ouverte à examiner cette possibilité.