Le scénario que plusieurs redoutaient se concrétise sur l'avenue du Parc, à Montréal. Près de deux ans après le début d'importants travaux d'infra-structure, plusieurs commerces ont dû fermer leurs portes, faute de clients. Ceux qui arrivent à rester ouverts multiplient les soldes ou encaissent des déficits pour survivre.

«Je ne sais pas si c'est uniquement à cause des travaux, mais c'est sûr que ça y contribue. C'est très long et il y a des portions de la rue qui sont touchées depuis le début, note le président de l'Association des marchands de l'avenue du Parc, Jimmy Zoubris. Ce n'est vraiment pas facile pour les commerçants.»

Le paysage est carrément déprimant sur certains segments de l'importante artère. Entre les avenues Laurier et Fairmount, où des cônes orange entravent encore la circulation, une demi-douzaine de locaux sont à louer. Autant de boutiques annoncent d'importantes soldes. «Tout doit disparaître», lit-on dans la vitrine d'un magasin de décoration.

Juste en face, la bijouterie L'inédit annonce «fermé». «On n'avait plus le choix. La boutique était en train de tirer tout le reste de la compagnie vers le bas», raconte le propriétaire, Louis Ménard, qui a jeté l'éponge il y a à peine deux semaines après sept années en affaires. Depuis le début des travaux de réfection des conduites d'eau et d'égout, début 2010, le commerçant avait vu sa clientèle diminuer de 60%.

Habitudes de magasinage

Le mauvais sort s'est aussi acharné sur d'autres commerces du secteur. Plusieurs n'ont pas tenu le coup. «Pour les petits commerçants qui, comme moi, ont des ressources limitées, c'est impossible de passer à travers, rage M. Ménard qui craint de voir le fiasco des travaux du boulevard Saint-Laurent se reproduire sur l'avenue du Parc. «J'ai essayé durant un an de ramener la clientèle disparue avant de me rendre compte qu'elle n'est tout simplement plus là, dit-il. Les gens ont changé leurs habitudes de magasinage. Ça va être long avant qu'ils reviennent.»

Selon le propriétaire du restaurant Bofinger, Stéphane Pelletier, quelque 70% des clients qui fréquentent l'avenue du Parc se déplacent en voiture. Comme des portions entières de la rue sont tour à tour fermées, ils ne viennent plus. M. Pelletier affirme que la fréquentation a diminué de 45% depuis le début des travaux. Si son restaurant est toujours ouvert, c'est parce qu'il a puisé dans ses économies pour renflouer la caisse. «Je suis passé bien près de fermer», admet-il.

Près de là, chez Théo et filles, les patrons ont décidé de profiter de la baisse d'achalandage pour faire des rénovations. «Disons que ce n'est pas notre meilleure période, soupire la propriétaire, Kaklamanis Essie, qui compte de moins en moins de voisins. Selon elle, les travaux sont évidemment à blâmer. «Mais il faut dire que l'économie est mauvaise en général», précise la propriétaire.

Des travaux inévitables

À la Ville de Montréal, on se dit conscient du problème. «Oui, il y a des fermetures. On sait que ce n'est pas facile. Mais les travaux étaient inévitables et on respecte l'échéancier», dit le porte-parole, Philippe Sabourin, qui martèle que les fermetures de commerces sont multifactorielles. Il ajoute que la municipalité aide les commerçants depuis le début. Un agent de liaison occupe un bureau sur l'avenue du Parc et Montréal a investi 280 000$ dans une campagne promotionnelle incluant entre autres un index des commerces, des bus habillés aux couleurs de l'avenue du Parc et des publicités dans les journaux.

Les marchands estiment que ce n'est pas suffisant. «Il aurait fallu de l'aide directe», croit Louis Ménard. «Impossible, répond M. Sabourin. Il faut investir dans nos infrastructures. Ce sont des inconvénients que les citoyens doivent subir tour à tour», dit-il. La conduite d'eau principale qui a nécessité les actuels travaux dessert 145 000 personnes, et comptait une dizaine de fuites.