C'est «à peu près du jamais vu», selon un commissaire de l'Office de consultation publique de Montréal. Un vaste complexe de tours d'habitation, qui doit s'élever entre la prison de Bordeaux et le boulevard Henri-Bourassa, provoque une levée de boucliers inattendue des résidants des environs.

Ils ont été près d'un millier à répondre à l'appel de l'OCPM la semaine dernière sur le projet du promoteur Construction Musto. Leur principal grief: la «démesure» de ce projet de 932 logements répartis dans 8 immeubles pouvant atteindre 12 étages (voir encadré). Dans ce quartier de maisons individuelles et jumelées, on s'inquiète de l'impact de l'arrivée de ces 2000 nouveaux voisins. «C'est une mobilisation citoyenne contre la démesure, répète Nathalie Cloutier, une des porte-parole du Comité des citoyens pour le développement équilibré d'Ahuntsic-Ouest. Ce projet est insensé, il va créer une balafre dans notre quartier, un îlot, un ghetto.»





Séances «explosives»

Le projet a demandé des modifications au plan d'urbanisme, notamment pour la hauteur maximale prévue. En vertu de l'article 89.3 de la charte de la Ville, qui accorde cette exception aux projets de plus de 25 000 m2, il ne fera pas l'objet d'un référendum et relèvera de la ville centre plutôt que de l'arrondissement.

Il est cependant soumis à une consultation publique, qui se terminera les 29 et 30 mai prochains avec la présentation de mémoires. Les trois soirées d'audience qui ont eu lieu jusqu'ici ont été «explosives», rapporte Mme Cloutier. «Les gens sont très en colère. On a l'impression de s'être fait avoir.»

Le maire de l'arrondissement d'Ahunstic-Cartierville, Pierre Gagnier, reconnaît que les élus «ont pris la barque en marche» et n'ont pas vu venir la controverse. «On se réveille avec ce projet que des fonctionnaires avaient approuvé, on se trouve pris avec des décisions des anciens élus... Je comprends les voisins. De voir un projet aussi gros, ça les inquiète.»

Le maire Gagnier refuse toutefois de condamner le projet. Il estime qu'«il serait de bonne guerre d'écouter avant de se prononcer». Il reconnaît cependant que l'arrondissement profiterait de l'arrivée de ces nouveaux résidants. La délivrance des permis, pour ce projet évalué à 250 millions, rapporterait 1,2 million à l'arrondissement, et la Ville encaisserait 1,6 million en impôts fonciers, estime-t-il.

Le premier test du PMAD

Des cinq élus de l'arrondissement, deux, soit Étiennet Brunet, de Vision Montréal, et Émilie Thuillier, de Projet Montréal, ont annoncé qu'ils voteraient contre le projet lorsqu'il sera présenté au conseil municipal. Pour Pierre Hurtubise, porte-parole du promoteur, ce projet répond pourtant «intégralement» au Plan métropolitain d'aménagement et de développement, adopté récemment. «Il s'agit clairement d'un TOD (Transit Oriented Development). L'enjeu, de notre point de vue, c'est la densification d'un site à proximité de la gare Bois-de-Boulogne. Nous respectons en plus la stratégie d'inclusion.» Il voit même ce projet comme «le premier test du PMAD».

On s'attend à ce que le rapport de l'OCPM soit rendu public à la fin de l'été. Le conseil municipal serait ensuite appelé à approuver le projet à l'automne. «Si tout va bien», précise M. Hurtubise, la construction commencerait au début de 2013.

 

Image fournie par le promoteur

Un plan d'ensemble du projet Musto.